La revue Prescrire, indépendante et … agaçante, nous rappelle chaque année que bien des médicaments que nous prescrivons couramment sont inutiles et/ou dangereux, bien souvent trop dangereux pour leur modeste utilité.

Que celui qui n’a jamais pris de vasoconstricteur pour consulter sans avoir le nez bouché (vous connaissez pas un bon toubib, Docteur ? …) me jette la première pierre, j’en prescris. Ce qui signifie, nous le savons tous, que quand nous sommes enrhumés nous avons tendance à en prendre pour "ne bas barler avec le dez bouché”.

Mais ils ne sont plus remboursés …

Je prescris souvent de l’Effexor ®, presque aussi efficace que les vieux imipramiques, mais sans leurs effets secondaires, plus maniable que les redoutables IMAO et plutôt efficaces, autant que je puisse en juger. Ça, c’est encore permis sans restriction et c’est remboursé !

Je prescris volontiers hors AMM des aérosols de corticoïdes au moyen d’un appareil nébuliseur. Ils ont l’AMM pour “Asthme persistant résistant à …” et je les emploie avec succès pour mes vieux bronchiteux chroniques ou quand une grosse bronchite résiste aux autres antibiotiques. Honte sur moi ! C’est remboursé, mais ça ne devrait pas. Je mets mon portefeuille en danger.
Je ne prescris pour ainsi dire jamais de gliptines, mes patients diabétiques passent de la metformine et/ou sulfamide HG à l’insuline, ils ne meurent pas plus que les autres… Ces gliptines, chères et pas spécialement efficaces, quelles catastrophes préparent-elles ? Elles sont indiquées et remboursées, pourtant.

Bref, nous prescrivons des médicaments ( ?) plus ou moins utiles, plus ou moins validés, plus ou moins indiqués par l’AMM et plus ou moins remboursés …
Et je ne suis pas vertueux, j’en prescris.

À lire Prescrire, je ne devrais plus rien prescrire, si ce n’est de bonnes paroles et un peu de paracétamol.
Si je suis l’AMM, je prescris beaucoup de saloperies inutiles et dangereuses bien remboursées, beaucoup de traitements utiles mais que seuls d’autres spécialistes devraient prescrire, beaucoup de médicaments utiles que je fais rembourser mais qui ne devraient pas l’être …

J’ai soudain la migraine. Les triptans, dans quelle case vont-ils ?

Et je ne parle pas du prix des médicaments …
Le énième anti-HTA ne fait pas mieux que les précédents … Mais est deux fois plus cher que les autres.
Le clonazepam Rivotril ® , très bon marché, je ne peux plus le prescrire,
La prégabaline Lyrica ® est bien plus chère. Pour une efficacité médiocre.

Des scandales sanitaires à venir sont annoncés par les données de la science depuis longtemps …
Alors que je n’ai pas entendu parler de scandale sanitaire dû à la prescription inconsidérée par les médecins généralistes d’un médicament à réserver à d’autres spécialistes …

Lorsque l’on dresse ce constat, qui reflète « la vraie vie », loin des théories et des autorités (plus ou moins hautes), une conclusion unique s’impose :
À quand le grand ménage ?
Une réforme des AMM, de la fixation du prix des médicaments, la fin des prescriptions réservées, un remboursement proportionnel à l’utilité médicale et modulable selon la situation, pourquoi pas ?

Jean-Christophe Nogrette

 

médecin traitant