Les médecins généralistes ont été ciblés cet été par les caisses d'assurance-maladie en divers points de l'Hexagone pour s'être écartés de la moyenne des arrêts de travail délivrés aux patients sur leur territoire. Le syndicat des généralistes MG France recommande à chaque médecin concerné de refuser la procédure dite de "mise sous objectifs" et de se rapprocher de ses cadres départementaux dès réception du premier courrier. Il demande à tous les médecins de France de cesser immédiatement l'utilisation du téléservice "arrêts maladie en ligne" qui permet à la CPAM de démultiplier ces manoeuvres de contrôle sur objectifs à l'encontre des médecins.

Les Français prennent 34,7 jours d'arrêts maladie en moyenne par an, selon le baromètre "Santé et bien-être au travail" de l'assureur Malakoff Médéric, publié au printemps, qui avance que sur les trois dernières années, les arrêts maladie représentent en moyenne, dans une entreprise de 1 000 salariés, l’équivalent de 40 emplois à temps plein. La même étude souligne que 19 % des salariés des entreprises françaises souffrent d’une maladie chronique. "Chez les salariés âgés de plus de cinquante ans, ces problèmes de santé sont encore plus importants, 29 % souffrant d’une maladie chronique (soit dix points de plus que la moyenne)." C'est dire que les causes des arrêts de travail sont multiples et se trouvent aussi bien du côté des conditions de travail vécues par les salariés de l'Hexagone - la crise économique n'est pas étrangère à une certaine souffrance au travail - que de celui de l'état de santé même des salariés. Les médecins généralistes sont en première ligne pour répondre aux demandes de leurs patients et les arrêts de travail font partie de la panoplie de leurs réponses. L'Ordre des Médecins souligne dans ce registre que "la prescription d’un arrêt de travail est tout d’abord un acte thérapeutique destiné à un patient dont l’état de santé le requiert. Il engage pleinement la responsabilité du médecin et doit être effectué dans le respect des règles déontologiques."

Des contrôles pas toujours utiles

Avec les années, la note des dépenses d'indemnisation des arrêts maladie a flambé, passant de 4,3 milliards d'euros en 2000 à 6,3 milliards en 2011. Si l'on ajoute les indemnités journalières pour accidents du travail (2,6 milliards d'euros), les dépenses de Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) ont atteint 8,9 milliards en 2011. Ces données ont servi à éclairer les travaux de la commission des Affaires sociales, qui a été saisie en février dernier d'une proposition de loi relative aux arrêts de travail et aux indemnités journalières. La mission de l'Assemblée nationale s'est interrogée sur la nature des contrôles effectués par les caisses maladies, qu'elle estime "indéniablement perfectibles". "90 % des contrôles effectués par l’assurance maladie portent sur les arrêts maladie de plus de 45 jours", note la mission. Certes, ces arrêts pèsent lourds dans les dépenses totales : 5 % des arrêts de plus 6 mois représentent 40 % des dépenses, c’est pourquoi la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, justifie cette orientation ; mais sont-ils vraiment utiles ? Les résultats donnent un faible taux d’avis négatifs de 12 % à 15 %." Aussi, pour être efficace, ce contrôle doit-il être ciblé, ajoute le rapport de l'Assemblée nationale.

A cet effet et dans la foulée des recommandations des députés, la CNAMTS a mis en place un observatoire local des indemnités journalières qui permet d’identifier les caractéristiques des arrêts de travail pour chaque caisse et leurs facteurs d’évolution. Elle a par la suite " commencé à s’orienter vers ce type de contrôle ciblé, en privilégiant le contrôle des arrêts itératifs." Ainsi, dans les torpeurs de l'été, certaines caisses d'assurance-maladie en ont profité pour lancer, sans aucune concertation, une vaste campagne de culpabilisation des seuls médecins généralistes au sujet de leurs prescriptions d’arrêts de travail.

Il faut refuser cette "mise sous objectifs"

Une nouvelle fois des médecins, dont la seule caractéristique est de s’écarter de la moyenne, ont été ciblés. Nous sommes en face de "délits statistiques", que MG France a déjà dénoncé plusieurs fois dans le passé. L'ampleur donnée à la campagne estivale indique qu'il ne s'agit pas d'une simple mission de contrôle des "abus" - mais quels sont-ils vraiment ?- mais bien d'une opération organisée par l'assurance-maladie qui a pour objectif de réduire les arrêts maladie et le coût des indemnités journalières qui leur sont associés. Mais cette réduction ne peut se faire aux dépens des droits des patients ni des responsabilités médicales des médecins généralistes. Le Conseil de l'Ordre vient de le rappeler à juste titre.

Début septembre l'assurance-maladie fait état des données statistiques suivantes : "L’évolution des remboursements d’indemnités journalières sur les sept premiers mois 2014 s’établit à +3,5 % en données CVS-CJO. Sur les douze mois derniers mois, leur progression est de + 2,2 % en données CVS-CJO." Nous sommes loin d'une explosition des dépenses sur ce dernier registre !

Le syndicat MG France rappelle qu’il recommande à chaque médecin concerné de refuser la procédure dite de "mise sous objectifs" et de se rapprocher de ses cadres départementaux dès réception du premier courrier. MG France demande à tous les médecins de France de cesser immédiatement l'utilisation du téléservice "arrêts maladie en ligne" qui permet à la CPAM de démultiplier ces manoeuvres aux frais du médecin.

Les équipes départementales de MG France ont été invitées à dresser l’état des lieux de cette campagne, CPAM par CPAM, pour mettre en place localement les mesures appropriées qui vont leur faire face.

JJC