Six médecins généralistes installés à Chinon ont récemment décidé de pratiquer une transgression tarifaire. Estimant que certaines de leurs visites ne sont pas honorées à un niveau suffisant, ils appliquent un tarif de 56 euros pour les visites réalisées auprès des personnes âgés qui ne peuvent pas se déplacer et qui leur prennent beaucoup de temps. Le 5 février, ils seront tous en grève.
Ras le bol ! C’est le sentiment général des six médecins installés au 11, rue du 11 novembre, à Chinon (Indre-et-Loire) qui exercent dans un cabinet proche du centre-ville. Leur pavillon a été aménagé dès son ouverture, il y a 23 ans, pour être accessible aux handicapés. La ministre de la Santé Marisol Touraine est une élue d’Indre-et-Loire. Mais nul n’étant prophète en son pays, cela ne lui attire pas davantage de sympathie. Les six médecins du groupe médical (trois hommes et trois femmes) sont solidaires pour réclamer, comme le réclame avec insistance depuis des mois le syndicat MG France, une revalorisation des consultations de 23 à 25 euros.
Aussi se sont-ils lancés dans la bataille. Ils distribuent des tracts dans leur cabinet et font signer par leurs patients des lettres de protestation destinées au Président de la République. leur mouvement est soutenu par les patients. Il prend cependant une forme particulière dans ce secteur semi-rural peuplé de nombreuses personnes âgées. Les six généralistes ont décidé d'un commun accord de facturer 56 euros les visites longues pour les patients qui ne peuvent pas se déplacer et qui leur prennent beaucoup de temps. « On pourrait embêter tout le monde en faisant venir ces patients en VSL », indique Agnès Moretti (photo), membre du cabinet médical, qui est récemment venue témoigner de son action à Paris aux côtés d'autres confrères "transgresseurs". Elle reproche au ministère de la Santé de ne pas avoir reçu les généralistes « pour savoir qui on était, de quoi on avait besoin. il existe une méconnaissance totale de ce que nous faisons. Il n’y a pas que les gastros dans les pathologies de notre patientèle. On voit surtout des gens qui ont des pathologies complexes.
Les moins payés d'Europe
Ce qui nous insupporte, c'est que nous sommes toujours à 23 euros la consultation de base, et donc les moins payés d’Europe. Le besoin d’équité tarifaire est de plus en plus fort. On nous doit ces 2 euros supplémentaires, et il faut nous les donner", poursuit la généraliste. Pour cette dernière, les médecins généralistes du premier recours ne sont pas la cause des dépassements d’honoraires et des problèmes d’accès aux soins. "Dans nos revendications, figure la volonté de disposer de plus de temps médical et surtout de faire autre chose que de l’administratif. Il nous faut du secrétariat, des locaux et pourquoi pas des infirmières de coordination qui pourraient être formées à cette fonction et soient rémunérées pour le faire. On passe notre temps au téléphone pour gérer des situations complexes. Si on nous ajoute encore du temps administratif, on craquera…".
Un guichet unique
"On a voulu nous imposer le tiers payant intégral avec 40 sécus différentes et 400 mutuelles, commente encore la généraliste de Chinon sur ce sujet d'actualité. Outre la complexité du règlement, due au nombre de mutuelles, nous avons beaucoup de craintes pour le secret médical de nos patients." Si le tiers payant devait s'imposer à l'avenir, elle se dit partisan d'un TP avec guichet unique qui règle les médecins, "charge à lui de se faire payer par la Sécu et la mutuelle du patient". "Le ministère se moque de nous, martèle encore Agnès Moretti. "Car l’accès aux soins c’est nous. La rapidité des soins, c’est nous ! On a besoin de généralistes sur tout le territoire et de ne pas voir l’argent disponible partir sur des systèmes de type Sophia pour faire de l’administratif sur l’administratif. Le problème de désertification médicale va surgir à grande vitesse. Nos politiques ne se rendent pas compte de la gravité, », conclut la généraliste. Le cabinet médical de Chinon sera fermé le 5 février.
Patrick Le Bars