La mort de Molière
Non, contrairement à la légende, Molière n’est pas mort sur scène. Molière a bien eu un malaise pendant la représentation de sa dernière pièce, le Malade Imaginaire, mais c’est à son domicile que Jean-Baptiste Poquelin décèdera, probablement d’une hémorragie pulmonaire. On a beaucoup postulé sur les causes de son décès : infection pulmonaire ? tuberculose ?
Toujours est-il que son état de santé était précaire. Et c’est un Molière affaibli, épuisé qui interprète le rôle principal de sa pièce : Argan, ce personnage qui s’entoure des plus grands médecins et apothicaires. Il croit à tous leurs diagnostics et à tous leurs traitements fantaisistes. Et c’est là que cela devient intéressant. Nous avons un acteur Molière, malade, qui joue un personnage, Argan, en bonne santé qui aimerait être malade. Molière, l’auteur cette fois-ci, a toujours été obsédé par la mort, par la maladie. Et toute son oeuvre se moque des médecins qui, à ses yeux, ne sont que des charlatans dont la thérapeutique baigne encore dans la théorie des quatre humeurs. On saigne, on purge facilement. Et on meurt souvent grâce à leurs remèdes. Par exemple, si le médecin d’Argan répond au nom de Purgon, ce n’est pas un hasard : la purge devient un acte quotidien car il faut libérer le corps de ses humeurs excessives.
Molière se moque de la prétention, de l’aveuglement et de leur avidité supposée. Aussi, on peut supposer que cette profession n’appréciait guère l’artiste. Et ce dernier imagine déjà leur réaction dans le Malade Imaginaire quand le frère d’Argan lui conseille ‘je cite’ « d’aller voir quelqu’une des comédies de Molière ». Voilà ce que dit Argan, joué par Molière l’acteur, sur des mots de Molière l’auteur : « Si j’étais que de médecins, je me vengerais de son impertinence, et quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée. Je lui dirais : crève, crève, cela t’apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté ». Molière n’est pas mort sur scène mais peut-être l’aurait-il souhaité pour déjà entrer dans la légende. Mais ça, c’est une autre histoire.
Andrei VIAL