« Tout bien-portant est un malade qui s’ignore », c’est CE que clame le docteur Knock dans la pièce de théâtre éponyme de Jules Romains représentée pour la première fois à Paris en 1923.

Dans cette comédie grinçante en trois actes, le docteur Knock achète la patientèle du docteur Parpalaid et n’a qu’un seul objectif : augmenter son chiffre d’affaires. Aussi, le canton de Saint-Maurice va devenir le laboratoire d’expérience de sa théorie médicale pour qu’à peine trois mois après son arrivée toute la population sera « tout imprégnée de médecine, parcouru par le feu souterrain de son art ».

Pour cela, le docteur va tout faire pour que sa patientèle se retrouve hypochondriaque et confinée. En effet, ne déclare-t-il pas à tous les patients sains – donc ignorant qu’ils sont déjà malades – qu’on « peut se promener avec une figure ronde, une langue rose, un excellent appétit, et receler dans tous les replis de son corps des trillions de bacilles de la dernière virulence capables d’infecter un département ». Donc, il ne faut plus attendre d’être souffrant pour se mettre au lit, il faut se soigner par avance pour ne pas tomber malade : c’est la prévention ultime, la médecine par anticipation. Le docteur Knock prescrit à la population le repos et surveiller ses urines, sa peau. Même si on est sans symptôme, on est potentiellement malade donc on doit se soigner.
Par ailleurs, lorsque le médecin ausculte son patient, il ne cherche pas une maladie, il trouve une maladie. Il scrute, questionne méthodiquement. Quand il demande si ça gratouille ou si ça chatouille, il angoisse le patient jusqu’à ce que ce dernier réponde, gagné par l’inquiétude : « Maintenant que vous le dites, docteur, c’est vrai... ! »
En conclusion, le Dr Knock joue avec les peurs de la population pour mieux la manipuler. On pourra se demander où ce praticien a fait ses armes. Il l’avoue à ses collègues : Knock a exercé sur un bateau dont tout l’équipage devient malade. Or, on retrouve un monsieur Knock dans un film de Murnau en 1922 et il est l’employé d’un comte nommé Orlock qui décimera tout l’équipage d’un bateau. Ce film s’appelle Nosferatu le vampire, donc Dracula. Mais ça, c’est une autre histoire.

Andrei VIAL