De Robert Debré à Agnès Buzyn, quelle ambition pour la santé ?

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Lettre aux généralistes

Ne pas connaitre son histoire, c’est se condamner à la revivre

Je suis le dernier Président …

De 1958 à 2019 : Le courage politique au service de l’ambition pour la France ?


« Je suis le dernier Président, après moi il n’y aura plus que des comptables ». Quand il déclarait cela, François Mitterrand était-il éloigné de la vérité ?

Aujourd’hui, où les mots à la mode sont « il faut lutter contre les déserts médicaux », je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre notre situation et celle qui prévalait en 1958. Après la guerre, les docteurs, dès qu’ils ont une compétence particulière ouvrent leur établissement, « les cliniques » pour soigner « comme il faut ».
Les hôpitaux d’alors, il vaudrait mieux dire les hospices, accueillent surtout les indigents et la misère du Monde. Les médecins libéraux, dans leur grande bonté, acceptent de venir visiter les patients dans les services.
Le 30 décembre 1958, sont promulguées les ordonnances qui servent de socle à la modernisation, on devrait dire la renaissance, de notre système hospitalier.
Ces ordonnances « relatives à la création de centres hospitaliers et universitaires, à la réforme de l’enseignement médical et au développement de la recherche médicale » tiennent en fait en deux articles.

Le premier crée le lien entre les universités et les hôpitaux, crée donc les CHU,
Le second crée un corps d’enseignants de médecine avec le statut de plein temps hospitalier, d’enseignants chercheurs. Leurs missions tiennent dans l’énoncé de l’ordonnance : soins, enseignement, recherche.

Et c’est tout.
Une triple mission, des moyens pour les remplir. Il faut quand même préciser que cette réforme n’est pas sortie comme par enchantement de la tête de quelques technocrates (il devait bien y en avoir à l’époque). Elle a été le fruit des propositions du Conseil National de la Résistance et de la réflexion de quelques professionnels exceptionnels, Jean Dausset, généticien, Jacques Monod biologiste, tous deux prix Nobel, et du Professeur Robert Debré, éminent pédiatre. Parce qu’ils connaissaient le métier, ils ont construit un système hospitalier moderne et extrêmement performant. Avec un oubli majeur, la médecine générale.

Ce qui, je crois, a fait la réussite de cette réforme tient en deux mots :

les moyens, mis à la réussite de l’entreprise,
et la confiance faite aux professionnels pour qu’ils s’emparent de ce projet et le fassent leur.


Aujourd’hui, la médecine générale n’est pas dans le même état que les hôpitaux à la fin des années 50, mais les professionnels, malgré les discours, doutent, se sentent abandonnés, sous estimés, méprisés. Alors même que nombre d’entre eux se consacrent à leur tâche avec dévouement, avec zèle, bien souvent sans compter leurs heures.
Il y a des années que MG France tire la sonnette d’alarme au sujet de la démographie médicale. Non que notre pays manque de médecins ; mais parce que, une fois formés, presque la moitié d’entre eux préfèrent faire autre chose que de la médecine générale. Parce que ce métier est dur, très dur, parce qu’il n’est pas reconnu, parce qu’il n’est pas honoré au niveau où il devrait l’être. Y aura t’il un jour dans ce pays un homme politique qui se posera la question : pourquoi tant de professionnels renoncent à l’exercice de la médecine générale ? Cette situation existe t’elle à la sortie des écoles de commerce, des écoles d’ingénieurs ?

Parce que ce métier ne bénéficie pas, de l’environnement nécessaire pour être exercé dans des conditions simplement normales.
Parce que tous les jours les politiques prêtent une oreille complaisante aux lobbys qui souhaitent grignoter des pans entiers de ses champs de compétence. Sans qu’ils se rendent comptent que ce métier c’est celui de l’approche globale, de la continuité ; et qu’en cédant aux lobbyistes, ils aggravent la situation pour demain.

Aujourd’hui des discussions sont en cours pour améliorer les choses. Mais les médecins généralistes n’y croient plus. Ils ne veulent pas d’usines à gaz technocratiques qui compliqueraient encore plus un exercice déjà bien compliqué.

Sans de fortes annonces pour garantir l’accès aux soins de la population par les professionnels dont c’est la mission naturelle, sans les moyens indispensables et à la hauteur des enjeux, notre système va continuer à péricliter. Il faut donner des missions simples et précises aux médecins généralistes. Il faut leur faire confiance pour les mettre en oeuvre. Il faut leur donner les moyens pour atteindre les objectifs fixés. Comme cela a été le cas en 1958 pour les hôpitaux.

Que les Hommes politiques fassent de la Politique !
Mais s’ils ont fait quelques € d’économie, les comptables qui nous gouvernent seront contents. C’est bien l’essentiel. Tant pis pour la France.