La Médecine est le métier des médecins.

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Lettre aux généralistes

 

Lapalissade ?
Comme nous, vous êtes sans doute très agacés de voir revenir le “bruit" d’un texte législatif en gestation, visant à autoriser les pharmaciens à prescrire des médicaments pour de “petites maladies” ou pour modifier des traitements chroniques…

 

On ne sait toujours pas ce qu’est une petite maladie.
On nous donne l’exemple de la “cystite”.
Sa bénignité usuelle conduit nos patientes à “s’auto-diagnostiquer” ce qui est légitime mais n’empêche ni l’erreur (il s’agit parfois d’une vulvovaginite mycosique débutante ou d’une poussée d’herpès), ni le danger car une authentique “petite” cystite peut vite tourner mal chez une patiente sous immuno-suppression thérapeutique traitée en hôpital de jour sans que le pharmacien n’en sache quoi que ce soit.
Dans ces cas là, sans possibilité d’examen clinique, sans formation médicale approfondie, sans connaissance du dossier médical,
Le pharmacien pourra-t-il prendre une décision sûre ? NON.
 

On nous dit qu’il s’agit d’améliorer l’accès aux soins, qui serait difficile surtout le soir et les weekends…
Comme si la PDSA n’existait pas, comme si les patients ne pouvaient pas voir leur médecin traitant rapidement quand il le faut.
Une étude très officielle de la DREES (organisme ministériel) montre que le délai moyen d’attente de rendez-vous chez les MG français est de deux jours et qu’on obtient un RV dans la journée en cas d’urgence.
Ne flatte-t-on pas plutôt l'esprit “Bo-Bo” qui cherche à obtenir tout ce qu'il veut dans l’instant ?
Les MG connaissent leurs patients et se rendent encore plus accessibles aux plus fragiles quand le besoin existe.
Est-il utile d’encourager le consumérisme médical ? NON

 

Les pharmaciens ont un métier complexe.
Connaissance poussée du médicament, contacts fréquents avec les patients chroniques qu’ils connaissent bien, surveillance très utile de nos prescriptions et rattrapages d’erreurs commises par distraction, qui d’entre-nous ne l’a pas vécu ?
Ce métier très respectable, avec tout le "back-office" qu’il suppose, suffit à remplir une journée de travail…
Mais où les pharmaciens ont-ils appris la clinique, le raisonnement médical, la prescription ? Avoir appris cela, c’est être Médecin.
Métier respectable également et que ces propositions farfelues insultent en essayant de faire croire qu’il est facile.
Peut-on être médecin sans avoir fait Médecine ? NON

 

Les parlementaires qui proposent ces inepties ont-elles-ils du bon sens ?
Nous le verrons bien quand ce texte viendra en séance et sera débattu.
Le simple fait que ces axes de réflexion soient envisagés permettent d’avoir des doutes…
Pour nous la réponse est NON !
 

Laisserons-nous dépouiller notre métier par des textes législatifs, “pondus” par des gens qui n’ont aucune connaissance réelle de notre pratique, de sa richesse et de sa diversité, sous la pression d’un lobbying d’autant plus absurde qu’il vient au moment où le travail d’équipes pluri-professionnelles de terrain se met doucement en place ?
Évidemment NON !

 

Et accepterons-nous indéfiniment de rester considérés comme des “génériques” substituables par n’importe qui et n’importe quoi, pour pallier notre raréfaction qui a été méthodiquement organisée par les pouvoirs publics depuis trente ans ?
La réponse est évidemment NON, NON et NON !

 

Notre spécialité, la médecine générale, est devenue la plus complexe,
celle de la gestion de la poly pathologie, combinée à la gestion du temps long et à l’immédiateté des urgences vraies ou ressenties.
Personne d’autre que nous ne sait gérer le patient poly pathologique en prenant en compte chacun des paramètres de ses pathologies chroniques et aigües, à la fois sur la durée et dans l’urgence.
Oui, la médecine devient chaque jour plus complexe et c’est bien le métier des seuls médecins.
Si les élus de la nation ne comprennent pas cela et s’ils n’entendent pas notre profond ras-le-bol de leur mépris, que peuvent-ils comprendre ? RIEN !