SÉRIE HISTORIQUE

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N°10

Une petite histoire du syndicalisme médical : épisode 2

À la veille de prendre ma retraite après plus de 40 ans d’exercice, le comité de rédaction m’a proposé de raconter le syndicalisme médical. J’ai très volontiers accepté, tout en précisant que je ne suis pas historien, et que ces courts articles qui se succéderont au fil des numéros, doivent être lus comme des notes, et surtout susciter des commentaires, critiques, et compléments d’information.

Pour écrire ces textes je vais utiliser ma mémoire de syndicaliste de 1986 à aujourd’hui, et aussi celle de mes confrères et amis syndicalistes MG France, Nicole Renaud, Jean-Luc Gallais, Alain Liwerant, Gilles Urbejtel, Marie Hélène Certain, … et bien d’autres, qui tout au long de ces années m’ont éclairé de leurs propres connaissances sur ces sujets. L’ouvrage « Histoire de la médecine générale de 1945 à nos jours » co-écrit par Yves Gervais (premier Président de MG Form), et auquel j’ai participé comme relecteur, m’a également permis de retrouver des infos sur les dates.
Chapitre 2 : 1945/1971.

Nous en étions restés en octobre 1945 avec le regroupement des caisses de Sécurité Sociale et les premiers accords départementaux sur les tarifs des honoraires, remboursés à 80 %. Ces tarifs fixes sont d’emblée source de conflits avec les caisses, d’autant qu’ils sont perçus par les médecins comme une atteinte à l’exercice libéral. Désormais le terme « d’honoraire » se substitue au terme « tarif ». Ce système de « solidarité » va être assimilé à une bureaucratie, une « déresponsabilisation » du patient. Le payeur-caisse entre dans le colloque singulier.
Cette modification est fondamentale dans l’approche libérale, et ce changement de paradigme aura du mal à passer chez les médecins. De fait ce sont les omnipraticiens qui vont l’adopter les premiers pour leur patientèle souvent plus précaire. Dès 1951, les syndicats CSMF de province y sont favorables, contrairement aux dirigeants parisiens. Nous allons retrouver dès cette période des éléments très actuels. Augmentation du nombre de spécialités (de 10 à 23 en 1947), C2 pour les spécialistes (depuis 1930), actes techniques valorisant les spécialistes d’organe, inflation forte entrainant une baisse des revenus, surcharge d’activité depuis le remboursement, domination des hospitaliers dans les instances professionnelles.
Le clivage ville/campagne s’amplifie chez les médecins. Les ruraux restent fidèles à l’omnipraticien, les citadins plus riches se tournent vers les spécialistes. Dès 1950 la dévalorisation du métier se fait sentir. « La menace d’effondrement de la médecine générale » est déjà présente dans de nombreux commentaires. Création du CLAO 1949 « Comité de Liaison et d’Action des Omnipraticiens », par des adhérents CSMF avec comme objectif clair, la représentation des omnipraticiens dans les syndicats.
Des échelons départementaux voient le jour et une « doctrine omnipraticienne » est publiée qui distingue la médecine générale, médecine de synthèse, des autres disciplines techniques. Ils rejettent la création de la pédiatrie notamment. En 1951 nait le journal l’Omnipraticien Français, mensuel adressé à 18 000 MG. La notion de spécialité de médecine générale est déjà mise en avant. 1955 : naissance du 1er syndicat national des omnipraticiens SNMOF au sein de la CSMF, présidé par Georges VALINGOT sur des concepts et des valeurs humanistes, sociales du rôle du généraliste, médecin de la personne. Nous y retrouvons ce qui va bientôt amener la création de MG France : défense de la discipline, formation, missions, participation à la politique de santé.

Suite au prochain numéro

Jean-Louis BENSOUSSAN