Médecine générale : une spécialité mal aimée ?

Les quelque 100.000 médecins généralistes que comptent les rangs des plus de 280.000 médecins en activité en France ont cette particularité d’être toujours en première ligne. Si leur nombre reste insuffisant, l’ennemi couramment désigné, le numerus clausus, n’est pas ce qui menace le plus l’existence de nos médecins de famille : le nombre de postes ouverts en médecine générale augmente (3.752 en 2014, contre 1.841 en 2004). Sans doute trop peu face à des jeunes pas séduits.

La médecine générale conserve une image dévalorisée. Pourtant, sur le papier, un virage majeur est intervenu au plan universitaire. Après plusieurs décennies de militantisme syndical, elle a été reconnue comme une spécialité à part entière en 2004. Aujourd’hui, les étudiants en médecine passant les Epreuves classantes nationales (ECN), afin de devenir internes après leurs six premières années d’études, s’engagent tous dans un parcours de spécialiste. Il est révolu, le temps où les généralistes l’étaient par défaut d’inscription dans une spécialité. A côté de votre cardiologue ou de votre gynécologue –des « spécialistes d’organe », sont formés les « spécialistes en médecine générale ». Mais leur spécialité reste la mal-aimée.

« Vous n’avez pas d’ambition ? »

En 2015, environ 9.000 candidats se sont présentés aux ECN. Au classement, le premier à avoir choisi la médecine générale se situe à la 111e place. Ce qui donne une bonne position à la spécialité. « Je me souviens que lorsqu’un des cinquante premiers avait pris médecine générale, ça avait fait du bruit. Parfois, un étudiant bien classé n’osera pas choisir ça... question d’image », regrette Mathilde, interne de médecine générale dans le Sud-Ouest.

Avec Clémence, elle aussi interne, elles exposent fièrement leur volonté de faire de la médecine générale, sourire aux lèvres. « Pour rien au monde, on ne ferait autre chose ! » Ce n’est pas faute d’y avoir pourtant été encouragées. « Lors d’un stage à Paris, se souvient Clémence, j’ai dit que je choisirai la médecine générale et je me suis entendu répondre : "Mais vous n’avez pas d’ambition ?" Au bout d’un moment, je ne disais plus que je voulais devenir généraliste. »

Si elles n’ont pas l’impression d’être mal considérées par les autres internes qu’elles croisent en stage chaque jour, elles savent que ça n’a pas toujours été le cas. A l’internat de leur université de rattachement, se trouvait, il y a quelques années, un panneau : « Interdit aux chiens et aux médecins généralistes ».

Tellement interdit encore que la formation médicale n’impose aucun stage chez un généraliste libéral en cas de choix d’une spécialité d’organe. Or, là où il y a méconnaissance, il y a souvent mauvaise considération.
« La formation se fait à l’hôpital, et c’est nécessaire, admettent Clémence et Mathilde. Mais même nous, internes de médecine générale qui sommes en majorité attirés par l’exercice libéral, ne ferons qu’un semestre, deux avec un peu de chance, en ville ! » Difficile alors de se rendre compte de ce que peut être la pratique d’un généraliste qui n’a pas sous la main un bilan sanguin complet daté de quelque heures ou encore l’accès immédiat aux techniques d’imagerie.

Une position d’infériorité entretenue

Dans les cabinets, le manque de considération se traduit par une consultation de base à 23 €, soit deux euros de moins que le prix de la consultation de base de tous les autres spécialistes. Pour un temps moyen de présence face au patient quasiment identique.

A l’accusation de batailler pour deux ridicules euros, les soignants répondent qu’ils ne demandent que la justice et l’équité. « Nous avons la même responsabilité que tous les autres face à nos patients : nous devons nous aussi diagnostiquer et proposer un traitement », résument Clémence et Mathilde.

La différence de rémunération, si elle entretient une infériorité de statut, décourage aussi de se diriger vers la médecine générale, alors que le contexte de diminution constante des praticiens est déjà inquiétant. « Ca ne fait pas forcément rêver d’imaginer s’installer en libéral avec des petits revenus au départ et des horaires à rallonge », expliquent les deux internes. Et des responsabilités grandissantes, bien que méprisées.
« Notre travail de coordination du parcours de soin, et tout ce qu’il est nécessaire de faire pour le suivi d’un patient, n’est pas réellement rémunéré », constate Didier Marion, généraliste dans les Pyrénées-Atlantiques.

Quant à l’enseignement de la médecine générale, il reste le parent pauvre des universités. Le Diplôme d’études spécialisées (DES) des généralistes ne s’étale que sur trois ans, quand les autres spécialités disposent d’une année supplémentaire. Si le projet de prolongation est déjà dans les bacs, il nécessitera de mobiliser des moyens à l’université et d’ouvrir des terrains de stage en ville.

Car le ratio enseignants/étudiants est catastrophique : en médecine générale, on dénombre environ un enseignant pour cent étudiants, quand les autres spécialités affichent des moyennes d’un pour dix. « 3 % des postes d’enseignants en médecine sont alloués à la médecine générale, alors que les futurs professionnels des soins primaires représentent 50% des internes à former », signalait en 2013 l’Intersyndicale des internes de médecine générale (IsnarMG).

Un traitement inégalitaire

Trop peu nombreux, les enseignants sont aussi mal considérés. « Le salaire d’enseignant est ridicule, confie Didier Marion, également maître de stage universitaire et enseignant. Et nous n’avons aucune perspective de carrière en tant qu’enseignant. »

Les médecins qui accueillent des internes dans leur cabinet, leur consacrant du temps pour les former et débattre avec eux de certaines décisions à prendre, ne sont pas mieux lotis : « Le maître de stage ne reçoit pas de salaire, mais une indemnité », poursuit-il. Quant aux formations en tant que formateurs, elles sont à leurs frais. A eux de perdre une journée de travail, de se déplacer. On leur offre gentiment... le déjeuner.
Les généralistes sont prêts à s’engager pour transmettre leurs compétences, pour améliorer leur exercice en se formant eux-mêmes régulièrement. Mais la spécialité reste marginalisée par un traitement inégalitaire. « Les mutations sont lentes et laissent craindre une disparition de la médecine générale », s’inquiète Didier Marion.

Cécilie Cordier


Quelques chiffres :

  • 55 % des généralistes en exercice sont des hommes, mais 60 % des moins de 40 ans sont des femmes
  • l’âge moyen des médecins généralistes est de 52 ans ; 27 % d’entre eux ont 60 ans ou plus ; 15 % ont moins de 40 ans
  • entre 2007 et 2015, le nombre de généralistes en exercice libéral en France a diminué de 10,3 %
  • d’ici 2020, une baisse supplémentaire de près de 7 %devrait être enregistrée
  • entre 2014 et 2018, sur plus de 41 000 internes, quelque 20 000 sont et seront en médecine générale


 

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