DMP : un fiasco et des coûts qui perdurent

La presse nous apprend le départ d'un homme peu connu du grand public, mais bien identifié dans le sérail des décideurs dans la santé. Jean-Yves Robin, médecin, ancien patron de société spécialisée dans les systèmes d’information, vient d'être remercié par la ministre de la Santé qui, le 16 octobre 2013 avait annoncé au Sénat sa nomination en tant que chef de projet pour lancer une nouvelle étape du déploiement du dossier médical personnel (DMP) dit de "deuxième génération", annoncé un an plus tôt. Ce départ pourrait signer la fin d'une saga pour laquelle des millions d'euros ont été engagés pour rien, ou presque.
 

L'homme avait succédé en novembre 2008 à Jacques Sauret à la tête du GIP chargé du dossier médical personnel (GIP-DMP), préfigurant son regroupement avec le GIP carte de professionnel de santé (GIP-CPS) et le département "interopérabilité" du groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier (GMSIH), le tout en vue de former l'Asip santé en 2009.

L’histoire de cette saga remonte au début des années 90, quand l’assurance-maladie étudie la dématérialisation des feuilles de soins. Il s’en suivit la création de la carte Vitale et de la télé transmission. Ce système ne transmet alors que des données administratives. À partir de 2009, un nouveau logo apparait sur les CPS (carte de professionnel de santé) des médecins : « ASIP-Santé » (agence des systèmes d’information partagée de santé).

L’ASIP, agence d’Etat, est créée en 2009. Ses missions concernent le pilotage et le développement de l’échange d’information en santé. Elle reprend notamment les missions du GIE Sésam-Vitale, crée le RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé), ouvre en 2011 le DMP (dossier médical partagé) et met en place actuellement la MSSanté (messagerie sécurisée pour la santé). Cette dernière doit nous permettre d’échanger des informations de façon sûre (identité des correspondants) et confidentielle (protections contre le vol des données transmises).


Le DMP : un contre-exemple

Toute cette trajectoire va se faire avec un minimum de concertation. L’Etat sait. Il fait pour les médecins. Les éditeurs de logiciels métier ont à peine été consultés. On leur a dit quoi faire pour « être compatibles ». Les solutions de messagerie sécurisée - comme Apicrypt que beaucoup connaissent -, sont ignorées. L’ASIP Santé développe son système de MSSanté et charge aux autres de se rendre compatibles. Pour Apicrypt, la chose est assez justifiée, car la sûreté des échanges semble fragile.

Le DMP quant à lui, demeure l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire. Pensé au début des années 2000, il est officiellement développé à partir de 2005, à titre expérimental. Il n’est vraiment « ouvert » qu’en 2011, après avoir été repris en 2009 par l’ASIP. Aucune concertation sur son utilisation. Pas de hiérarchisation de l’information. Les malformations congénitales de ce DMP sont graves.

Malgré la pression des autorités, à la mi-novembre 2013, plus de la moitié des DMP ouverts sont vides. Ceux qui ne le sont pas ne contiennent, pour ainsi dire, que des informations administratives (comme Vitale). Mi-novembre 2013, seulement 402 000 DMP sont ouverts ! Ce chiffre est à rapprocher des 10 millions de patients en ALD en France. Un rapprochement que la ministre de la Santé a dû faire, puisqu’elle a annoncé un DMP 2 qui sera déployé en priorité auprès des patients en ALD …

Reste que pour le DMP dans sa 1ère version, les études préalables et les expérimentations mises en place entre 2005 et 2009, ont coûté 210 millions d’euros. L’ASIP a consommé de son côté 210 autres millions pour fonctionner et lancer ce DMP depuis 2009. Soit plus de 400 millions d’euros. Cela met le DMP à 1000 euros l’unité actuellement !

Le partage d’information fonctionnera quand les professionnels pourront dire ce qu’ils veulent échanger et qu’on leur proposera des solutions pérennes et simples. En attendant l’argent public est dépensé sans rien produire. À qui profite vraiment cette gabegie ? Certainement pas aux malades.

"Nous allons engager le déploiement de ce dossier médical dans le sens souhaité ou identifié par la stratégie nationale de santé, c'est-à-dire concentrer les développements des dossiers médicaux [personnels] sur les personnes âgées et sur les personnes atteintes de maladie chronique, afin qu'il y ait un intérêt immédiatement visible à la fois par les professionnels libéraux et professionnels hospitaliers", déclarait Marisol Touraine en octobre dernier. Quelques mois plus tôt, en février, la Cour des comptes avait pointé l'absence de stratégie des tutelles, en particulier du ministère de la santé, sur le déploiement du DMP. Nous voici revenu à la case départ ...

J-C Nogrette.


(1) " Le DMP doit être réorienté au service du parcours de santé", déclare encore Marisol Touraine le 28 mars lors de la journée, « la télésanté du patient sur son territoire »." Les professionnels doivent disposer d’outils de partage de l’information sur les patients, aisément accessibles et sécurisés", ajoute cette dernière. "Le Dossier Médical Personnel peut répondre à cette nécessité : il doit cependant prendre en compte les besoins des professionnels de santé. Je souhaite que le Dossier Médical de Personnel deuxième génération que j’appelle de mes vœux soit placé au centre du parcours de soins : il intégrerait de nouveaux services comme le partage d’une synthèse médicale ou l’utilisation en mobilité. Il serait l’instrument privilégié de la prise en charge des pathologies chroniques, avec une indispensable ouverture sur le domaine médico-social. Son déploiement s’accompagnera de la mise en place d’une messagerie sécurisée santé qui permettra aux professionnels de santé de communiquer entre eux." Nous sommes à ce jour loin du compte.

 

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