La Cour des comptes redresse ceux de la Sécu

Pour redresser les comptes de la Sécu, en déficit chronique depuis des années, la Cour des Comptes vient de rendre sa copie et a formulé quelque 92 recommandations. Elle propose un changement de modèle dans les modes de gouvernance de la santé.

 

En entrée du menu présenté par l'organisme de la rue Cambon figure une série de mesures structurelles visant à réaliser des économies sur un budget que la Nation n'est désormais plus vraiment en mesure d’assumer, faute de reprise économique. Pour "mieux réguler les comptes sociaux" et "mieux maîtriser la dépense", la Cour propose en premier lieu de faire piloter les finances sociales sous l'égide d'une « loi de la protection sociale obligatoire» qui inclura les régimes sociaux conventionnels (assurance chômage et régimes de retraite complémentaire obligatoires).

Un poison à effet lent

"La permanence des déficits sociaux est pernicieuse, a précisé Didier Migaud lors de la présentation du rapport (1) annuel de la Cour des Comptes sur la Sécurité sociale. Elle ronge comme un poison à effet lent la légitimité même de notre système de Sécurité sociale". En 2013, le déficit des régimes de base et du FSV (Fonds de solidarité vieillesse) s'est élevé à 16 milliards d'euros, certes moins qu'en 2012, mais moins que le prévoyait le gouvernement et moins que les années précédentes. Car entre temps, la crise économique s'est approfondie, renvoyant aux calendes grecques les perspectives de reprise et de baisse du chômage, et avec elles l'indispensable augmentation des cotisations sociales, principale source de financement de la Sécu. "Il n'est pas normal de faire financer des dépenses courantes par une augmentation de la dette sociale", dont l'encours atteint 157 milliards d'euros, ajoute le magistrat de la rue Cambon "Pourquoi les faire reposer sur les générations futures ?". Mais le vers est déjà dans le fruit et ces dernières devront assumer la note, qui selon la CADES s'élève en fin 2013 à 132,6 milliards d’euros de dettes à amortir, après que cette dernière ait déjà repris 216,7 milliards d’euros de dette sociale en 17 ans.

Réguler les dépenses de ville

Face à ce constat, la Cour des comptes s’alarme d’une réduction des déficits qui marque le pas. Le redressement promis à l’horizon 2017 reste hypothétique. Pour autant, "la résorption du déficit de la sécurité sociale suppose un effort nettement accru, particulièrement en matière d’assurance maladie, où des économies importantes sont possibles sans dégrader la qualité ou l’égalité d’accès aux soins." La Cour invite ainsi à "réguler beaucoup plus vigoureusement les dépenses de ville". " Une maîtrise beaucoup plus vigoureuse des dépenses de soins de ville est nécessaire et possible pour dégager des économies effectives, ajoute la rue Cambon, en précisant que "les conventions passées par l’assurance maladie avec les professions libérales de santé doivent y concourir." Les médecins libéraux et en particulier les médecins généralistes, qui ont permis à l'assurance-maladie de réaliser deux années de suite plus d'un milliard d'euros d'économies sur leur ONDAM  (79,4 milliards d'euros, soit 46 % de l'ONDAM général) en 2013, après 833 millions en 2012 et 668 millions en 2011,  apprécieront. "Les écarts en exécution croissants constatés dans le domaine des soins de ville ne sont pas principalement la conséquence d’une meilleure gestion ou d’un effort plus important", fait valoir la Cour, jetant ainsi un pavé dans la mare de l'assurance-maladie qu'elle invite à reconsidérer la méthodologie de ses modes de calculs.

Sur le chapitre des dépassements d'honoraires, la rue Cambon souligne que le nouvau dispositif du contrat d’accès aux soins (CAS) introduit par l'avenant n°8 de la Convention médicale et entré en vigueur le 1er décembre 2013, "suscite à ce stade plusieurs interrogations." Avec 27 % des signataires en provenance du secteur 1 (sur les 10 700 adhésions enregistrées en mars 2014), "le CAS a paradoxalement augmenté le nombre de médecins autorisés à pratiquer des dépassements et contribue à vider le secteur 1 des spécialistes qui y restaient encore." Sans compter que "le mécanisme est peu contraignant pour les médecins de secteur 2", note encore le rapport de la Cour.

Un conventionnement conditionnel

L'analyse que fait la Cour des Comptes de la démographie médicale et de l'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire la conduit à préconiser un "conventionnement conditionnel" à l'installation, qui n'est pas acceptable pour la profession médicale. "L’assurance-maladie, dès lors qu’elle apporte aux professionnels une très large part de leur revenu, est légitime à orienter les installations et les remboursements là où il y a des besoins constatés, mais n’a pas mobilisé tous les leviers conventionnels pour permettre d’atteindre ces objectifs." "Le conventionnement ne devrait en tout état de cause pas être considéré comme un droit automatique, comme il l’est actuellement, ajoute la Cour, mais devrait correspondre à un besoin effectif de soins pris en charge par l’assurance maladie. La possibilité de rendre le conventionnement conditionnel devrait être élargie en permettant par la loi d’étendre cette orientation à toutes les professions dans les zones en surdensité et utilisée plus résolument afin de favoriser une meilleure répartition des professionnels sur le territoire en fonction des besoins effectifs des patients."

Enfin, après une analyse des modes de rémunération des médecins (à l'acte, sur objectif, au forfait) qu'elle estime relever de "mécanismes tarifaires complexes et peu lisibles" pour les patients, la Cour évoque "un système conventionnel très éclaté" qui n'a pas réellement contribué à améliorer l'efficience du système de soins. "Des négociations trop exclusivement en « tuyaux d’orgues » ont fait obstacle à une meilleure organisation des soins de proximité, à la redéfinition de certaines fonctions pour répondre à l’évolution des besoins des patients et à une articulation des prises en charge entre la ville et l’hôpital. Elles ont fortement retardé l’émergence des approches interprofessionnelles." Au yeux de la Cour, "la convention médicale de 2011 et ses avenants [qu'elle détaille] ont généré 647,1 millions d'euros de dépenses annuelles supplémentaires", sans que l’impact des mesures conventionnelles sur les patients et la réponse à leurs besoins ait été suffisamment évalué. Et de conclure : "La nouvelle gouvernance prévue par la loi de 2004 n’a ainsi pas fonctionné, sauf pour ce qui concerne le rôle accru de la CNAMTS."

Changement de modèle

Pour l'avenir, la Cour des Comptes soutient que la structuration des soins de premier recours et la mise en place d’une meilleure interface avec l’hôpital impliquent un changement de modèle. "Il est ainsi souhaitable de renverser la perspective conventionnelle en faisant des approches interprofessionnelles le cadre premier des négociations. Leurs résultats formeraient ensuite l’armature commune des différentes conventions par profession de manière à permettre une approche plus coordonnée des soins de ville. Chaque convention conserverait pour le reste une logique plus spécifiquement propre à chaque profession", précise encore son rapport.

"Seuls un pilotage plus intégré et une meilleure articulation permettront de dépasser les clivages traditionnels - ville/hôpital, État/assurance maladie, généralistes/spécialistes, médecins/autres professions de santé - de dégager des gains d’efficience significatifs et de mieux répondre aux besoins des patients, ajoutent les Sages de la rue Cambon, en appelant les Agences régionales de santé (ARS) à renforcer les missions de leur Comité national de pilotage (CNP), en les étendant aux "orientations et au suivi de la politique conventionnelle, sous la présidence régulière du ministre chargé de la santé."

"L’élaboration en cours de la stratégie nationale de santé et d’une nouvelle loi de santé publique, conclut la Cour des Comptes, offre l’occasion de remettre en perspective les évolutions récentes des relations entre l’assurance maladie et les professions de santé et de repenser le cadre de la régulation globale ainsi que la place, dans celle-ci, des politiques conventionnelles.

JJC

(1) "Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale", Cours des Comptes, septembre 2014.

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Les recommandations de la Cour au regard des soins de ville

31. mettre en place un pilotage national plus intégré, permettant à l’État de cadrer les orientations stratégiques des politiques conventionnelles, d’en suivre l’exécution et de mieux articuler les actions des différents acteurs ;
32. développer de façon prioritaire les approches interprofessionnelles pour une plus grande efficience des soins de premier recours ;
33. recentrer les politiques conventionnelles sur les enjeux essentiels (rémunérations, accès aux soins, maîtrise médicalisée des dépenses) dans le cadre de négociations moins nombreuses et moins éclatées ;
34. étendre, dans les zones en surdensité, le conventionnement conditionnel à toutes les professions, y compris aux médecins, pour mieux équilibrer la répartition des professionnels sur le territoire ;
35. lier plus étroitement l’ensemble des modes de rémunération, hors rémunération à l’acte (forfaits, rémunération à la performance, avantages sociaux) à une meilleure organisation des soins de ville en les modulant en fonction des résultats atteints ;
36. en particulier, moduler la prise en charge de cotisations sociales par l’assurance maladie en fonction de la densité des professionnels de santé sur un territoire donné (recommandation réitérée) ;
37. évaluer systématiquement les conditions de mise en oeuvre des actions conventionnelles et les résultats obtenus au regard des objectifs.

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