Les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP) ne sont toujours pas versées aux jeunes médecins installés en libéral à Paris et ailleurs. Les caisses d'assurance-maladie campent sur un immobilisme déconcertant pour régler des problèmes administratifs auxquels elles doivent pourtant apporter des réponses claires et rapides. Veut-on vraiment décourager les jeunes médecins à s'installer ou à rester dans le secteur libéral ?

Le double langage de la sécurité sociale

L'assurance-maladie devrait appliquer les textes pour lesquels elle engage sa signature. Pour autant, ses caisses primaires ont un talent fou pour traîner des pieds dans un nombre croissant de circonstances et de cas. Pour preuve, à Paris, et sans doute aussi ailleurs, les jeunes médecins ont du mal à se faire payer leur rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). D'autres médecins sont pénalisés quand ils déménagent. D'autres encore, qui exercent dans des quartiers où vivent des populations dans la précarité, ont du mal à se faire payer au motif qu'ils ne télétransmettent pas assez. Tous ces blocages administratifs cumulés ne favorisent en rien les installations des médecins en exercice libéral. Face à une démographie médicale déclinante, il est urgent de rémédier à tous les dysfonctionnements administratifs dont les conséquences pèsent sur la pratique quotidienne des médecins généralistes.

Le constat de l’inquiétante baisse de la démographie médicale fait la une des médias et tout le monde se dit préoccupé. Mais au delà de l'émotion, il y a les faits :
- Les jeunes installés restent pénalisés. En effet, 2013 se termine et, depuis avril, les jeunes praticiens n’ont toujours pas perçu le paiement de leur rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Les textes ont pourtant prévu dès la signature de la convention un correctif pour que les jeunes installés ne soient pas pénalisés. Mais rien ne bouge. "On va le faire, on va le faire", toujours pas de date, toujours pas de paiement. Le silence des caisses qui ne respectent pas leurs engagements conventionnels est assourdissant et ressenti comme du mépris par les jeunes médecins. Leur argument est que ces cas sont marginaux. "Marginaux", ces jeunes qui ont accepté de s’installer alors que tant d’autres y renoncent? Mais ce sont eux qui auraient du être rémunérés en premier !
- De la même façon, les médecins qui travaillent dans des quartiers où les patients sont précaires ont un taux de télétransmission plus bas que leurs confrères. Car sans carte vitale pas de télétransmission possible ! Et certaines rémunérations dépendent directement de ce taux de télétransmission. Il est sans aucun doute plus facile de travailler dans le 8° ou dans le 16° arrondissement de Paris que dans les quartiers populaires. Ces médecins sont-ils aussi des cas marginaux? "On n’a pas eu le temps de faire les correctifs." Mais combien de mois faut-il pour faire un correctif ?
- Enfin, il y a aussi les cas kafkaïen des médecins qui ont eu l’audace de changer de département en cours d’année. Souvent jeunes et nouveaux installés, parfois seuls sur leurs territoires, ils n’arrivent pas encore à joindre les deux bouts. A ce jour, les 10 mois de bataille contre l’archaïsme administratif n’ont pas abouti, chaque caisse de Sécurité sociale se renvoie la balle : « Il n’est plus chez nous. Il n’est pas encore chez nous. Nous attendons les consignes de la caisse nationale".

L'assurance-maladie doit réagir

Phrase magique : "Les consignes du national n’arrivent toujours pas ". Mais pendant ce temps, les médecins les plus engagés ou les plus fragiles ne sont toujours pas payés. Qu’attendent les caisses d'assurance-maladie dans leurs tours d’ivoire administratives? Qu’un burn-out de plus conduise à un suicide ? Que les jeunes, dégoutés, retirent leurs plaques et quittent le secteur libéral ? Que les médecins les plus engagés qui pratiquent le tiers payant se mettent à faire comme certains de leurs confrères et ne s’occupent plus de l’accès aux soins et pour prendre des dépassements à tire-larigot?
Madame la Sécurité Sociale, dites nous vraiment, qu’est-ce qui est important pour vous ?

Dr Agnès Giannotti