N° 76 - 3 mars 2017
Sortons de l'habitude du tarif unique !
Il règne dans ce pays depuis longtemps une habitude de pensée selon laquelle chez le médecin généraliste, c'est un tarif unique.
Que la gynéco secteur 2 augmente de 5 ou 10 euros n'émeut ou n’agace que peu de patientes …
Mais 1 euro de plus chez le médecin généraliste, et ce sont les gros titres dans la presse …
Le cabinet du médecin généraliste est le dernier lieu où la personne arrive parfois avec le chèque pré-rédigé à 23 euros.
Et les médecins généralistes, sans s'en apercevoir, ont intériorisé cette idée dominante, et utilisent très peu les majorations possibles. Où n'osent pas ...
Par exemple la MSH (majoration de sortie d'hospitalisation) est très sous-utilisée.
De mon côté, je l'ai utilisée une trentaine de fois en 2016. 30 fois 23 euros en plus, 690 euros. Cela me fait l'équivalent d'une journée entière de cabinet sans avoir travaillé plus. Il est vrai que le tiers payant m'y a aidé.
Les majorations nourrissons (MNO) et enfants (MGE) sont plus rarement oubliées par les généralistes.
Certains disent qu’il y a trop de critères restrictifs pour la MSH. C’est partiellement exact, mais ni plus ni moins que pour les MNO et MGE (Examen complet, consignation de tous les éléments dans le carnet de santé ...) !
La prochaine Convention prévoit de nombreuses possibilités de majorations. Nous ne devons pas en « faire cadeau » à la Sécu.
Et la bonne façon de s'y préparer, c'est déjà de mieux appliquer dès maintenant les majorations existantes.
" désolé, (avec un large sourire... ) aujourd'hui ce n'est pas 23 , mais ... parce-que ... "
Le médicament, le « Merdique amant » ... ?
Jean-Christophe Nogrette
La revue Prescrire, indépendante et … agaçante, nous rappelle chaque année que bien des médicaments que nous prescrivons couramment sont inutiles et/ou dangereux, bien souvent trop dangereux pour leur modeste utilité.
Que celui qui n’a jamais pris de vasoconstricteur pour consulter sans avoir le nez bouché (vous connaissez pas un bon toubib, Docteur ? …) me jette la première pierre, j’en prescris. Ce qui signifie, nous le savons tous, que quand nous sommes enrhumés nous avons tendance à en prendre pour "ne bas barler avec le dez bouché”.
Mais ils ne sont plus remboursés …
Je prescris souvent de l’Effexor ®, presque aussi efficace que les vieux imipramiques, mais sans leurs effets secondaires, plus maniable que les redoutables IMAO et plutôt efficaces, autant que je puisse en juger. Ça, c’est encore permis sans restriction et c’est remboursé !
Je prescris volontiers hors AMM des aérosols de corticoïdes au moyen d’un appareil nébuliseur. Ils ont l’AMM pour “Asthme persistant résistant à …” et je les emploie avec succès pour mes vieux bronchiteux chroniques ou quand une grosse bronchite résiste aux autres antibiotiques. Honte sur moi ! C’est remboursé, mais ça ne devrait pas. Je mets mon portefeuille en danger.
Je ne prescris pour ainsi dire jamais de gliptines, mes patients diabétiques passent de la metformine et/ou sulfamide HG à l’insuline, ils ne meurent pas plus que les autres… Ces gliptines, chères et pas spécialement efficaces, quelles catastrophes préparent-elles ? Elles sont indiquées et remboursées, pourtant.
Bref, nous prescrivons des médicaments ( ?) plus ou moins utiles, plus ou moins validés, plus ou moins indiqués par l’AMM et plus ou moins remboursés …
Et je ne suis pas vertueux, j’en prescris.
À lire Prescrire, je ne devrais plus rien prescrire, si ce n’est de bonnes paroles et un peu de paracétamol.
Si je suis l’AMM, je prescris beaucoup de saloperies inutiles et dangereuses bien remboursées, beaucoup de traitements utiles mais que seuls d’autres spécialistes devraient prescrire, beaucoup de médicaments utiles que je fais rembourser mais qui ne devraient pas l’être …
J’ai soudain la migraine. Les triptans, dans quelle case vont-ils ?
Et je ne parle pas du prix des médicaments …
Le énième anti-HTA ne fait pas mieux que les précédents … Mais est deux fois plus cher que les autres.
Le clonazepam Rivotril ® , très bon marché, je ne peux plus le prescrire,
La prégabaline Lyrica ® est bien plus chère. Pour une efficacité médiocre.
Des scandales sanitaires à venir sont annoncés par les données de la science depuis longtemps …
Alors que je n’ai pas entendu parler de scandale sanitaire dû à la prescription inconsidérée par les médecins généralistes d’un médicament à réserver à d’autres spécialistes …
Lorsque l’on dresse ce constat, qui reflète « la vraie vie », loin des théories et des autorités (plus ou moins hautes), une conclusion unique s’impose :
À quand le grand ménage ?
Une réforme des AMM, de la fixation du prix des médicaments, la fin des prescriptions réservées, un remboursement proportionnel à l’utilité médicale et modulable selon la situation, pourquoi pas ?
Trop d’IJ ? : jamais sans MG France !
Jean-Christophe Nogrette
Notre rôle de médecin généraliste est bien sûr de soigner nos patients, de faire tout ce qui est possible pour maintenir ou rétablir leur santé. Mais nous devons aussi leur permettre d’obtenir tous les avantages que leur état de santé justifie.
CODE DE DÉONTOLOGIE DES MÉDECINS, ARTICLE 50 (articleR.4127-50 Du CSP)
"Le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliterl’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit.
À cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin-conseil nommément désigné de l’organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre médecin relevant d’un organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux, les renseignements médicaux strictement indispensables.”
Quand nous rédigeons un arrêt de travail, c’est parce que nous considérons que le handicap provoqué par la maladie est incompatible avec l’exercice normal de son activité professionnelle par le patient. Et finalement, nous prescrivons un certain nombre de jours d’arrêt.
Et là, les choses se gâtent … trop souvent car les caisses traduisent aussitôt la durée de l’arrêt en « dépenses de santé ».
Nous discutons avec nos patients de leurs difficultés à se lever ou à s’assoir, à bouger, à sortir, mais foin de tout cela ! Avec les CPAM, il faut parler « sous ».
Donc, bien évidemment nous prescrivons … trop. Donc trop cher !
Certains d’entre nous prescrivent plus que la moyenne, mais n’ont pas obligatoirement une patientèle « moyenne ».
La CNAM fait “tourner” ses gros ordinateurs. Les résultats tombent.
Docteur UNTEL,
2,5 fois plus d’arrêts que la moyenne régionale des praticiens « comparables ».
Dans une région où une grande ville fournit 80 % de l’emploi et ou 90 % du territoire est rural, on imagine bien les distorsions et écarts à la moyenne que recouvre la statistique brute.
Les praticiens « comparables », pour la CNAM, c’est “code 01 Omnipraticien”.
Tant pis s’ils sont “MEP”, mode d’exercice particulier, respectables mais bien moins souvent sollicités pour des problèmes justifiant un arrêt maladie.
Les statistiques brutes masquent les distorsions.
L’ennui, c’est qu’une fois dans le collimateur de la CNAM, vous êtes comme le lapin, “pris” dans le faisceau des phares d’une voiture, aveugle, désemparé !
Vous n’avez pas accès à des chiffres détaillés, vous êtes seul et on vous dit : c’est TROP !
Une procédure « policière » s’enclenche. Le projecteur dans la figure, on vous somme de vous expliquer. Puis le “flic gentil” vous propose un « arrangement » : la “mise sous objectifs”.
Allez, 30 % de moins sur les six mois qui viennent. Ouf, sauvé.e !
Sauvé.e ? Devant nos patients, que fait-on ? Devons-nous réduire les durées des arrêts maladie de 30 % ?
“Cancer, en chimio, je vous arrête 20 jours ce mois-ci, les 10 autres jours, quand vous tiendrez un peu debout …”
Et si par hasard, vous y parvenez, la prochaine étape sera encore 20 % de moins …
Si la machine infernale vous atteint, PAS DE PANIQUE.
Ne regardez pas le projecteur. Regardez vers MG France.
Chaque jour, dans votre région, nous vous défendons. Notre service juridique vous accompagne dans tous vos contacts avec la CPAM.
Refusez la mise sous objectifs !
NE RESTEZ PAS SEULS !
Quand le mot cancer est prononcé ...
Sandrine Delemare
Ne l'oublions pas, ce sont souvent nous, les médecins généralistes, qui prononçons pour la première fois le mot « cancer » face aux patients.
Nous le faisons même parfois avant un diagnostic de certitude, en évoquant une possibilité parmi d’autres, ne serait-ce que pour inciter les patients à faire les examens complémentaires.
Nous savons tous qu’au moment où nous prononçons ce mot, les patients basculent dans leur imaginaire (les visages de proches touchés, les images des médias, les pensées de mort, les conséquences de la chimiothérapie ... et tout ce que nous n’imaginons pas). Le mot prononcé, nous percevons ce mouvement vacillant du corps ou du regard et nous nous préparons à écouter avec empathie et à tenter de répondre aux questions.
Nous prenons donc le temps et les précautions auprès de ces patients que nous connaissons peut-être de longue date. Nous nous adaptons au mieux à ce que nous savons d’eux et nous nous projetons avec eux dans le parcours qui va suivre le diagnostic. Durant cette consultation, nous leur témoignons de notre présence et nous leur assurons de notre disponibilité future.
Cette consultation porte un peu pompeusement le nom de « consultation d’annonce » à l’hôpital. Preuve en est de l’importance de cette consultation, quand elle n'est pas un peu trop directe et courte. Pour nous, elle aura lieu entre des soins de pathologies infectieuses, des renouvellements de traitement, le suivi d’un nourrisson …
MG France a obtenu que cette consultation d’annonce puisse être faite par le médecin traitant et rémunérée à hauteur de l’intensité et de la difficulté de ce type de consultation (article 28.4 *).
Pour les patients, viennent ensuite les bilans complexes, les gestes invasifs, les allers-retours à l’hôpital ... Parfois, nous les voyons peu durant cette période, parfois pas du tout ... Cependant, il n’est pas rare qu’ils se tournent vers nous pour évoquer leurs soins, pour poser des questions qu’ils n’ont pas pu formuler à l’hôpital, pour exprimer leurs inquiétudes. Le temps d’une consultation, ils retrouvent la médecine de proximité qui probablement les rassure et ce lieu du cabinet où ils ont eu d’autres moments médicaux moins difficiles.
Lorsque des réunions de concertation pluri-disciplinaires sont organisées à l’hôpital afin de décider des soins pour les patients, ces derniers ne sont malheureusement pas toujours informés. Les médecins généralistes ne sont que rarement conviés ou souvent trop tardivement et il nous est difficile de nous organiser pour y être présents. A l’heure moderne des conférences téléphoniques, cette solution d’appel téléphonique du médecin traitant permettrait enfin une prise en compte globale des patients et éviterait peut-être des décisions inappropriées. Une reconnaissance et une indemnisation de ce temps seraient bienvenues pour les médecins généralistes.
MG France œuvre pour faire reconnaitre la présence des médecins généralistes auprès des patients atteints de cancer comme idéalement défini dans le plan cancer 2014, qui est peu respecté (information en temps réel des médecins traitants qui sont identifiés comme les interlocuteurs privilégiés des patients dans le parcours de soins ; travail de liaison et de coordination entre les différents professionnels impliqués autour des patients).
* Article 28.4 : consultation initiale d’information du patient et de mise en place d’une stratégie thérapeutique pour les patients atteints de cancer ou de pathologie neurologique grave ou neurodégénérative, réalisée par le médecin, qui serait valorisée par l’application d’une majoration de 30 euros, dénommée MIS (Majoration pour information Initiale et mise en place de la stratégie thérapeutique), dont la cotation serait réservée aux médecins de secteur à honoraires opposables et de secteur à honoraires différents adhérant aux dispositifs de pratique tarifaire maîtrisée tels que définis aux articles 40 et suivants.
Théo Combes
Le 2 mai prochain, vous recevez en consultation la jeune Priscilla, 5 ans, qui se plaint de maux de gorge et qui a de la fièvre. À l'issue de votre examen, vous diagnostiquez une angine. Vous rédigez une ordonnance pour le traitement adéquat.
Sa maman vous demande si c'est toujours 26 € pour son âge. Que lui répondez-vous ? Que marquez-vous sur la feuille de soins ?
Vous cotez G(S) + MEG = 25 +5 = 30 €
C'est le tarif de base pour la consultation de l'enfant de 0 à 6 ans chez le médecin généraliste (la MNO et la MGE disparaissent au 1er mai 2017).
Vous pouvez rajouter le S de spécialiste si vous en avez la qualification officielle.
NB : pensez à parler à la maman de la possible déclaration d'un médecin traitant pour son enfant.
Hopizen est un réseau de mises en contact solidaire. Il propose à des patients en sortie d'hospitalisation de bénéficier de l’aide d’un étudiant en 2e, 3e, 4e année de médecine, hors de ses devoirs hospitalo-universitaires, pour lui rendre service