Il est 8h30 et je suis en visite chez Madame L. Nous sommes dans sa cuisine et je vois sur son tableau « jeudi 21 mars visite du docteur » au milieu des horaires de passages de son infirmier et de son kinésithérapeute.
Madame L. fait partie des patients que je vois en visite maintenant. Ce ne fut pas toujours le cas mais l’âge et les pathologies s’associant, son déplacement à mon cabinet n’était plus possible.
Je poursuis donc son suivi en allant chez elle et en me disant que je contribue ainsi à son maintien à domicile avec l’aide des autres soignants du secteur médical et médico-social. Dans ces situations, les échanges avec les autres professionnels sont fréquents et le terme « d’exercice coordonné » prend tout son sens.
A l’heure où les différents amendements déposés par les députés mettent à mal les fondamentaux du travail diagnostique et thérapeutique des médecins généralistes, le cadre particulier de la visite, que nous sommes seuls à pratiquer, interpelle.
En effet, bien avant que je ne voie Madame L. en visite, bien avant qu’elle n’ait ses gros soucis de santé à l’origine de sa dépendance, je fus présente pour les petites pathologies. Peut-être l’ai-je traitée pour une cystite ? Peut-être lui ai-je fait un test diagnostique rapide pour une angine ? En tout cas, je fus là pour l’écouter et la rassurer, pour traiter ses syndromes infectieux mais aussi pour mettre en place les suivis et la prévention.
La médecine générale s’inscrit dans la durée et dans la continuité. Le lien se construit petit à petit dans les maux qui sont aujourd’hui qualifiés de « petits risques ». Or, ce sont toutes ces « petites » consultations qui permettent d’accompagner ensuite les patients dans leurs pathologies les plus graves, dans leurs maladies chroniques ou tout simplement dans le grand âge.
A vouloir déstructurer ce qui fait la base de notre métier de soignant, on met en danger le rôle du médecin généraliste auprès de la population. Il n’y a pas de petit acte, chaque consultation pose les bases du suivi. Les visites ne peuvent exister sans ce qui s’est construit précédemment avec les patients et nous sommes les seuls médecins à les effectuer et à oeuvrer dans le maintien à domicile.