On ne le dira jamais assez, la France est un pays formidable. Nous sommes un pays où le mot « conflit d’intérêt » n’a pas le même sens que dans la plupart des autres démocraties. Et ce n’est pas Monsieur Jean Marc Aubert qui me démentira.
De quoi s’agit-il ? Après un rapport de Cédric Vilani sur l’intelligence artificielle (IA) notre président a jugé urgent de créer un Health Data Hub (nous sommes en France, il faut s’exprimer clairement dans la langue de notre pays) un guichet d’accès unique à l’ensemble des données de santé des Français. Rien que ça !
Connaissant notre administration, son sérieux, sa compétence, on imagine les verrous mis, les précautions prises pour que des données si sensibles soient collectées et conservées avec la plus grande prudence.
En fait, pas vraiment.
D’abord ces données seront, selon les spécialistes, anonymisées de manière assez fragiles.
Ensuite elles seront hébergées dans un site sérieux, vraiment indépendant, bien de chez nous : Microsoft. Imaginez le scandale, les levées de boucliers si c’était Huaweï, un chinois, qui avait été choisi. Mais Microsoft, c’est sérieux, c’est américain. Qui peut me garantir que jamais au grand jamais Chubb, le plus gros assureur mondial n’aura accès à ces données ? Parce que justement, l’accès à ces données par des opérateurs privés est une autre crainte soulevée par les informaticiens.
Qui peut me garantir que IQVIA, le nouveau nom d’IMS Health, le plus puissant collecteur de santé au monde n’ira pas puiser chez Microsoft que Mme Michu a vu 3 fois sa gynécologue, qui lui a fait consulter un cancérologue, lequel a lancé toute une batterie d’examens. Et que toutes ces intéressantes données ne finiront pas sur le bureau du banquier de Mme Michu quand elle voudra faire un crédit pour changer sa voiture. Oui, qui peut me garantir que rien de cela n’arrivera ?
Et le SAS, service d’accès aux soins, cher à notre ministre, sera un jour relié à ce « hub » et la boucle sera bouclée. Toutes les maladies, mais aussi tous les « bobos » seront gravés dans des coeurs d’ordinateurs. À la disposition des financiers qui en feront ce qu’ils savent faire avec. De l’argent !
Parce que, pour en revenir à Monsieur Jean Marc Aubert, cette personne est considérée par la presse comme le principal architecte de ce Health Data Hub. Il en a été l’architecte quand il était à la DREES (Direction des Recherches, des Etudes de l’Evaluation et des Statistiques), organisme public. Mais qu’avant cela il travaillait pour IQVIA ex IMS Health, ce fameux marchand des données de santé. Et qu’aujourd’hui il y retourne. Et que pour Monsieur Aubert, il n’y a pas de conflit d’intérêt, puisqu’on est venu le chercher, qu’il n’a pas fait d’entrisme.
Ben donc.
Nous avons tendance à nous moquer de nos voisins des Pays du Nord qui démissionnent parce qu’ils accepté un petit déjeuner sans le déclarer à leur haute autorité. Nous devrions nous inspirer plus souvent de leur rigueur, de leur éthique. Ça nous éviterait peut-être d’avoir à gérer, dans quelques mois, dans quelques années, des situations dramatiques parce que les pieds nickelés qui nous gouvernent ont pris des décisions graves et inconsidérées.