Colloque du 06 juin 2013

 

{slider Interview de Claude Leicher - Président de MG France}

 
"Il
faut plus d’égalité dans le système de santé, oui : mais plus encore, il faut de l’équité"

MG France prépare pour le 6 juin un colloque sur les Inégalités sociales de santé. Quelles sont les raisons qui ont poussé le syndicat à s’investir dans un secteur qui est plus social que médical ?

L’erreur est de penser que les inégalités sociales de santé sont une problématique sociale pour laquelle le système de santé ne peut pas grand chose. On pourrait considérer qu’il faut s’occuper des raisons sociales, et qu’en attendant, il est inutile d’intervenir sur les conséquences en termes de santé. Nous pensons au contraire que le système de santé doit intervenir de façon active et prioritaire pour aider ces populations à accéder aussi à la prévention, au dépistage et aux soins, même si les raisons sociales existent, perdurent et doivent être traitées. Nous renforçons ce message de l’égal accès à la santé par la notion d’un accès équitable, c’est à dire d’une attention particulière aux inégalités sociales. La position sociale crée un handicap de départ dont les intervenants en santé doivent avoir conscience : le premier travail est donc celui de la sensibilisation des soignants, de l’Assurance Maladie et des décideurs.

Si on raisonne par rapport à l’affaire Médiator, qui a provoqué entre 500 et 2 000 morts, les inégalités sociales de santé sont associées à une mortalité prématurée de 110 000 morts, 20% de la mortalité annuelle en France. La moitié est évitable, soit 55 000 morts par an, tous les ans ! En 10 ans, nous sommes à un demi-million de personnes décédées prématurément et pour lesquelles on aurait probablement pu intervenir, à condition de le faire précocement. Les facteurs de risque sont liés à des vulnérabilités socio-économiques, personnelles (rupture dans la continuité de la vie personnelle), culturelles et sociales (catégories socio professionnelles, position sociale etc.), qui peuvent conduire à des comportements à risques (par exemple : l’alcool ou le tabac), à des comportements de non participation (au dépistage) par méconnaissance ou par négligence. Repérer et intervenir précocement permet de développer des attitudes actives, précoces, continues permettant d’anticiper et d’aider ces personnes.

MG France considère qu'au sein du système de santé, le médecin généraliste est un acteur susceptible d’intervenir de façon très précoce sur ces différents facteurs de risques en articulation avec le secteur social, pour établir une situation d’équité : porter plus d’attention sur des facteurs de risques, passer plus de temps, mettre plus d’énergie dans ses interventions, mieux s’articuler avec le secteur social pour prendre en charge des situations difficiles... L’objectif in fine, est de baisser la morbi mortalité, et d’éviter des décès prématurés.
 

Est-ce que par rapport à ces questions complexes, vous souhaitez que les généralistes, et au-delà le corps médical, nouent un nouveau contrat social avec la société ?

Ce que nous souhaitons c’est faire prendre conscience aux médecins qu’ils sont des acteurs possibles de cette lutte contre les ISS. Nous sommes dans un secteur dans lequel les interventions potentielles sont extrêmement productives en termes d’amélioration de la santé des populations concernées. Ce sont des populations dans lesquelles il y a beaucoup de pathologies, et des pathologies lourdes. Accompagner le sevrage du tabac par exemple, c’est une fois sur deux éviter le risque de décès d’un patient.

Dans ce cadre, le contrat qui peut être noué commence par la sensibilisation aux inégalités sociales de santé et c’est la première raison pour laquelle nous organisons ce colloque. La deuxième raison, c’est que nous souhaitons dire à nos interlocuteurs institutionnels et politiques - c’est-à-dire le gouvernement, l’Assurance Maladie, les représentants des usagers et toutes les personnes qui s’intéressent à ce sujet dans le secteur social - que nous voulons être des acteurs, parmi d’autres, qui peuvent intervenir, à condition que l’on nous aide à mettre en place les conditions de ces interventions...
 

Par exemple ?

Il faut que nous puissions individualiser les situations dans lesquelles nous estimons qu’il y existe un risque par rapport à ce problème des inégalités sociales de santé. Individualiser un risque, cela veut dire que le médecin soit en mesure de réaliser un travail préalable de repérage des situations et des personnes auprès desquelles il souhaite intervenir. Nous souhaitons donc faire valoir auprès des pouvoirs publics, notre volonté de prendre une position d’intervention active, innovante, qui doit commencer par une phase de sensibilisation et de formation dans notre profession. Nous faisons de nouveau œuvre de pionniers dans une dimension de "santé populationnelle" dans laquelle les pouvoirs publics nous disent qu’ils veulent placer la médecine générale à travers la Stratégie nationale de santé construite autour de la médecine de parcours. Le parcours de soins et de santé doit privilégier la réduction des ISS par l’intervention du médecin généraliste traitant.
 

On déplace donc le curseur des soins curatifs habituels du médecin ou de la prise en charge des maladies dites chroniques vers d’autres types de prise en charge. Quels sont les moyens que vous souhaitez mettre en œuvre et comment cette approche va-t’elle s’articuler avec vos débats conventionnels en cours ?

Bien évidemment, nous allons demander ici un travail différent aux généralistes intéressés parce que repérer une vulnérabilité sociale, faire une intervention plus ciblée et attentive auprès de ces populations, c’est du travail ! Il faut donc négocier les conditions dans lesquelles pourraient être rémunéré ce travail différent. Ce n’est pas facile car ce travail supplémentaire, pour les pouvoirs publics, n’a pas de rentabilité immédiate mais à long terme. Cela a été démontré dans d’autres pays qui ont déjà commencé à aborder ce sujet.

Le tabagisme, par exemple, concerne plus les populations en situation d’ISS. Il fait partie de ces comportements à risques qui a des conséquences sanitaires extrêmement graves pour les populations concernées. Nous sommes bien dans une nouvelle façon d’appréhender le système de santé dans lequel on introduit cette dimension populationnelle.

Tout ce travail mérite d’une part reconnaissance et d’autre part une rémunération. Les généralistes sont déjà au travail. Nous allons, lors du colloque du 6 juin, présenter des réalisations de médecins à des endroits aussi différents que Paris, Chambéry, qu’une zone rurale dans l’Ain. Elles sont mises en œuvre, elles doivent être rémunérées. Il faut aussi simplifier le travail des médecins qui, pour faciliter l’accès aux soins, font du tiers payant et rencontrent des difficultés à se faire payer par certains régimes complémentaires. Il n’est pas normal que les généralistes aient du mal à récupérer les honoraires qui leur sont dûs.
 

Dernière question qui me vient à l’esprit : le gouvernement avait projeté initialement de relancer une loi de santé publique courant 2013. On parle de 2014 maintenant. Est-ce que vous souhaitez faire inscrire ces questions dans la future loi de santé publique ?

Nous sommes évidemment favorables à tout ce qui permettra une reconnaissance institutionnelle et réglementaire du travail de santé publique que réalisent les généralistes. Ce que nous souhaitons, surtout, c’est que dans cette loi de santé publique on mette au-dessus de tout le reste, le problème de la cohérence de la santé publique. Nous avons connu une accumulation de plans de santé publique, par pathologies ou par segments de population. Ils n'ont pas produit grand-chose au regard des sommes qui ont été investies. Nous souhaitons que le médecin généraliste traitant devienne le lieu et l’acteur de la cohérence de la santé publique. Faire des plans de santé publique dans lesquels on ne définit pas le rôle du médecin de soins primaires, alors qu'il est l’intervenant principal, est incohérent.

Nous souhaitons donc que l’on confie aux acteurs de soins primaires la responsabilité et les moyens pour mettre en place des politiques de santé publique populationnelles. Et, bien entendu, nous souhaitons que l'on assure la prise en charge des inégalités sociales de santé. Car elles recouvrent le champ quasiment entier de la santé publique : à la fois les cancers, les pathologies liées à l’alcool mais aussi toute la problématique du dépistage et de la prévention. Les pouvoirs publics savent que les indicateurs de santé publique se dégradent, que la pratique des examens de prévention n'est pas à la hauteur des enjeux du moment, en particulier dans des populations vulnérables sur le plan social. Nous sommes convaincus qu’il faut faire un effort particulier vis-à-vis de ces populations-là. Nous devons faire, je l’ai déjà dit, non seulement de l’égalité mais aussi de l’équité, c’est à dire faire plus d’efforts pour les populations les plus à risque.

5 Juin 2013

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