De visites en consultations, au fil des jours, la médecine générale ne se limite pas à soigner. Suivre les problèmes de santé dans la durée, ne pas louper le “bon moment” pour intervenir, simplement parce que les malades ne sont pas des inconnus, mais des voisins, des amis …

Tout un tissu social que le médecin connait par cœur.


Dont il connait les faiblesses, les points de rupture. Qu’il ravaude à l’aiguille de sa présence quotidienne et discrète. Qu’il reprise et rapièce de sa patience constante.

Des femmes et des hommes fondus dans la société et qui en prennent le pouls jour après jour. Qui étudient “le peuple, océan, onde sans cesse émue, où l’on ne jette rien sans que tout ne remue”* … Et qui en prennent soin. Ce qui est bien plus que simplement soigner.

La presse se fait l’écho des déserts médicaux qui partout progressent. La France reste pourtant honorablement classée en densité médicale avec trois médecins pour mille habitants (moyenne OCDE : 3,5). Mais le fait nouveau est que les généralistes, seule spécialité en baisse constante depuis dix ans, deviennent rares. Tout doucement. Les médecins généralistes disparaissent sans faire autant de bruit qu’une fermeture de service de greffe cardiaque au CHU voisin …

Pourtant, sur 100 000 habitants, 97 000 ont recours dans l’année à un généraliste. Moins de un, sur ces 100 000, aura une greffe cardiaque**…

Tout le problème est là. L’état de santé d’une population dépend bien entendu de la possibilité de greffer des cœurs à ceux qui en ont besoin. Mais il dépend surtout de la possibilité de ne pas laisser les gens devenir trop “cardiaques” au point de nécessiter une greffe.

Traiter correctement les diabétiques, les hypertendus, aider les fumeurs à se sevrer, voilà ce qui limite l’indication de la greffe cardiaque. Voila qui impacte le plus à la baisse les dépenses de santé : ce qui est dépensé pour soigner un diabétique hypertendu et fumeur coûte infiniment moins cher qu’une greffe cardiaque.

Investir sur la médecine générale, c’est garantir à la population de trouver en proximité des soins de qualité pour réduire au strict nécessaire l’usage de l’étage hospitalier du système de soins. C’est donc faire de grandes économies sur le secteur le plus onéreux du système.

Investir sur la médecine générale, c’est faire comme ma grand-mère. C’est ravauder ! C’est donner à chacun ce qu’il lui faut sans gaspiller, sans superflu.

La comparaison ne vous dit rien ? Vous êtes incurable … Ou ministre de la Santé.

* Victor Hugo. Hernani, Act IV., Sc. II
** Statistique

Jean-Christophe Nogrette

 

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