Chaque jour en marge de mes consultations au cabinet, je me munis de ma mallette et je prends ma voiture pour effectuer mes visites à domicile. Je l’appelle encore « ma tournée » comme les médecins de famille d’hier.

J’aime ces visites à domicile parce qu’au chevet de mes patients dépendants et âgés j’ai le sentiment d’œuvrer activement au sein de la société en évitant hospitalisation ou institutionnalisation, en maintenant un lien social, en laissant ouvert pour ces personnes un choix de vie. Car je fais partie de la chaîne qui permet à ces personnes de rester chez elles.

Nous assumons avec constance cet acte complexe et long qui reste malheureusement insuffisamment valorisé eu égard au temps passé, au service rendu à la société, à l’énergie déployée pour la coordination avec les autres professionnels de santé intervenant à domicile (infirmiers, kinésithérapeutes, auxiliaires de vie, etc.) et au nécessaire temps de dialogue avec les proches … On est loin du compte quand on est réglés 35 euros !

Ce tarif encore insuffisant n’est malheureusement pas le seul obstacle à la visite à domicile. Certaines municipalités veulent désormais réglementer et taxer le stationnement des médecins dans l’exercice de leur métier. Comment peut-on prôner d’un côté l’amélioration de l’accès aux soins et d’un autre côté mettre en place des mesures coercitives freinant la réalisation des soins à domicile pour les plus fragiles ?

Confrontés à ces multiples freins, les médecins généralistes sont tentés de délaisser la visite à domicile. L’assurance maladie, les pouvoirs publics vont devoir, dans ce domaine comme dans tant d’autres, se poser les bonnes questions : La visite à domicile, spécificité française, dont le nombre ne cesse de diminuer depuis des années, doit-elle disparaître ? Doit-elle être maintenue ? Est-ce un acte utile ? Est-ce une réponse adaptée à l’isolement des personnes âgées et dépendantes ? Et cet acte médical est-il simple ou complexe ?
Un début de reconnaissance de l’utilité et de la complexité de la visite est reconnu par l’assurance maladie qui a créé la visite longue, des visites spécifiques post hospitalisations. Mais dans un cadre trop restreint.

Pour MG France il n’y a pas de visite simple, facile. La visite du médecin généraliste traitant chez les patients dépendants doit être honorée au niveau de la VL, 56 euros aujourd’hui. C’est une partie de la réponse à l’isolement des patients, à la prise en charge adaptée des personnes les plus fragiles, à la désertification médicale. C’est un acte typique du médecin généraliste français, la réponse sociale et médicale à de multiples situations.
N’attendons pas qu’il soit trop tard.

Sandrine Delamare

APC, Biopsie, PDSA