Les ministres de la santé se suivent et leurs conseillers changent mais les représentations sociales ministérielles restent les mêmes. La loi HPST (2009) et la loi de modernisation du système de santé (2016) ont inscrit des principes généraux sur la médecine générale, les généralistes et les équipes de soins primaires, mais les effets de l'inconscient collectif sont tenaces.


C'est en situation de crise qu’on peut mesurer la distance entre les discours et les actes. La stratégie de gestion préventive de la grippe H1N1 avait déjà disqualifié les généralistes en les tenant à distance de la gestion vaccinale : "vaccinodromes" dans divers lieux publics de type écoles ou gymnases, achats pharaoniques de stocks de vaccins. Tout cela pour un fiasco vaccinal devenu l'exemple emblématique de ce qu'il ne fallait pas faire. Cette stratégie a abouti à la disqualification des agences de l’Etat et de l'expertise mobilisée par les ministères, à l’accroissement de la controverse vaccinale et à la chute durable du taux de couverture de la vaccination contre la grippe. Confirmant ainsi les difficultés à penser et surtout agir en France face aux problèmes de santé publique

Supposée instruite de l'expérience H1N1, ayant organisé une concertation sur les freins et leviers de la vaccination, Marisol Touraine profite de l'épidémie actuelle de grippe pour confirmer que les médecins généralistes traitants sont toujours invisibles. La parole publique de la ministre de la santé reprise dans les medias dans cette période des confiseurs est claire : "Tous les hôpitaux français sont mobilisés".
Ailleurs, point de salut ...
Ce type de message désigne, légitime et banalise l'hôpital comme lieu de soins de premier recours. Il est en contradiction avec les demandes répétées du monde hospitalier de réserver et limiter les services d’accueil des urgences aux problèmes n'ayant pas trouvé une réponse ambulatoire. La gestion d'une épidémie de grippe est d'abord ambulatoire, et seul un nombre limité de situations à risques médicalement identifiées justifie l'envoi régulé vers l'hôpital.

Finis les discours sur l'importance supposée du médecin traitant, finie la médecine de proximité et sa coordination généraliste – pharmacien – infirmière libérale … Tout est en place pour illustrer le sketch du clown Grock. Pour être dans une position proche et adaptée, le pianiste-clown s'épuise à déplacer le piano au lieu de déplacer le tabouret. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi chercher à être utile, pertinent et efficient en matière de soins face à la grippe, phénomène annuel récurrent ?

Si on précise que la veille de la déclaration de la ministre, le directeur général de la Santé contactait le responsable national du principal syndicat de médecins généralistes pour lui demander son aide pour mobiliser les généralistes face à cette épidémie, on doit légitimement se demander où est le pilote dans l'équipage ministériel.

La population doute de l'efficacité vaccinale, les professionnels de la santé doutent de la compétence et de la volonté des politiques à moderniser notre système de santé. Le thème de la vaccination reste un beau sujet et un beau miroir pour analyser notre organisation sanitaire et ses dysfonctionnements.

Au delà de la gestion épidémique actuelle, la question de la prévention de la grippe reste posée. En 2017, 2018 ou 2019, nous en reparlerons certainement si la promesse de mise à disposition gratuite de vaccins dans les cabinets médicaux de médecine générale est opérationnelle.
Pour l'instant, attendons le ou la prochain(e) ministre de la santé et la prochaine épidémie.

Jean-Luc Gallais

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