Le 6 décembre dernier, MG France réunissait son assemblée générale annuelle à Paris, à l'issue de laquelle Claude Leicher a été reconduit dans ses fonctions de président du syndicat des généralistes. Une aventure qui a commencé il y a 30 ans avec la création du MAG dont l'anniversaire a été célébré pour la circonstance.
Ils étaient tous là ou presque. Tous et toutes, c'est à dire ceux et celles qui le 21 octobre 1984 décidaient de tenir tête au "premier syndicat pluricatégoriel de médecins libéraux", la CSMF, pour se lancer dans une autre aventure, celle d'aller créer un syndicat monocatégoriel de généralistes. Ils étaient 10 au départ, réunis en Aveyron pour un séminaire de médecine générale qui fit date, puisqu'il donna naissance, dans un premier temps à une association, le Mouvement d'Action des Généralistes (MAG), qui se transforma deux ans plus tard, en 1986, en un authentique syndicat de généralistes, doté en 1989 de sa représentativité pleine et entière.
Sur les dix généralistes à l'origine d'un Appel qui fit date, il n'en manqua que quatre ce 6 décembre (photo) pour fêter une date clé dans l'histoire du syndicalisme omnipraticien. Une bonne centaine de généralistes, après une journée de travail en assemblée générale pour préparer les futures batailles que va mener la profession en cette fin d'année, avait choisi de rester pour la fête. A quelques encablures du lieu, l'UNOF, qui fut créée en novembre 1984, fêtait en grande pompe ses 30 ans en évoquant sa naissance, sans mentionner un seul mot sur le schisme - et ses causes - qui, dans les rangs de la CSMF, donna lieu à la création du MAG et comble de l'ironie, en mettant en une de son livre anniversaire la photo de la première présidente de l'UNOF, Antoine Viénet, celle là même que son successeur, Jean Dugué, allait mettre à la porte de l'UNOF un an plus tard. On a les références historiques que l'on peut !
"A cette époque, nous étions 10 % de femmes généralistes, et les trois structures de médecins généralistes étaient tenues par des femmes de 35 ans", a tenu a rappeler la co-fondatrice du MAG, Nicole Renaud. "En 1984 j’avais 31 ans, j’étais installée depuis 5 ans, a souligné de son côté Nicole Bez, généraliste à Lyon. Pour ma première grossesse j’ai découvert qu’il n’y avait aucun congé maternité. J’avais trouvé le comité de liaison des femmes médecins, animé par Jacqueline Valency. J’ai commencé la lutte comme cela, et Jacqueline m’a dit que je devais aller à Rodez. J’ai trouvé à Rodez une famille, les vraies valeurs ". D'autres se sont joints à l'aventure et le mouvement fit rapidement tache d'huile dans toute la France, qui vit se constituer un par un une bonne cinquantaine de MAG, précurseurs de ce qui allait devenir la Fédération Française de Médecins Généralistes, MG France.
Construire un outil syndical
Cet anniversaire fut aussi une occasion de souligner le chemin accompli. Sur la formation initiale : " En 1984, un troisième cycle de médecine générale a été mis en place. Il sélectionne les médecins généralistes par l’échec, note Nicole Renaud. Tous ceux qui échouent à leur concours de spécialité rejoignent ceux qui ont choisi la médecine générale." Dans les propositions du MAG de l’époque, on lit une demande d'intervention d’enseignants de médecine générale dès le deuxième cycle, une obligation de stage chez le praticien au cours du troisième cycle, la création dans chaque UER d'un département de médecine générale, et surtout de dégager les ressources nécessaires à la rémunération des professeurs attachés d’enseignement et maîtres de stage. "Sur ces points presque tout en rempli", a souligné de son côté Claude Leicher, en rappelant que la médecine générale est devenue autonome, avec une sous-section propre au sein du Conseil National des Université, qui sera constituée par élection au sein des professeurs titulaires. Mais il manque encore des postes et surtout des moyens, a pu rappeler le Pr Pierre-Louis Druais (photo), tant pour la formation initiale que pour la formation continue.
Sur l'outil syndical : en 1984, Les médecins généralistes ne sont représentés es qualité dans aucune instance décisionnelle. "Nous ne sommes pas autorisés à prendre part aux négociations conventionnelles, indiquera Nicole Renaud, et encore moins à être signataires de la convention. Celle-ci est signée par des syndicats pluri catégoriels, toujours les mêmes, où sont majoritairement représentés les spécialistes." Pour la convention de 1985, le MAG proposera une convention spécifique pour la médecine générale. "Nous voulions aussi que les médecins généralistes soient rémunérés pour la partie non curative (prévention, éducation sanitaire etc.). Nous avons proposé pour cela de rémunérer les médecins généralistes une journée par semaine."
"Le premier outil politique à construire était un outil syndical : avoir le stylo à travers un syndicat de généralistes. Cela a été acquis grâce à vous, lui répond Claude Leicher. Et nous avons cette représentativité depuis 1989, alors que nos amis de l’Unof doivent toujours faire des arbitrages au sein de la CSMF." Quant à la convention spécifique, elle fut annulée en 2004 par Xavier Bertrand, qui préféra un médecin traitant chichement doté à un médecin référent forfaitairement rémunéré pour ses tâches.
En 1984, la représentation des généralistes avec la FNOF (2) a été tuée à la Toussaint. "On a voulu nous transformer en collège, poursuit Nicole Renaud. Les médecins étaient en grand désarroi dans le pays, des associations se créaient un peu partout, autour de thématiques diverses. Nous avons bénéficié de cette conjoncture : des médecins mal payés qui ne se retrouvaient représentés nulle part." "Il était important d’avoir les bons concepts de départ, note Claude Leicher. Nous avons réussi à installer le médecin traitant. Nous n’avons pas réussi à garder une convention spécifique (de 1997), mais cela reste un projet politique à court terme, avoir un volet conventionnel séparé."
"30 ans après, la bataille identitaire de la médecine générale est gagnée, ajoute le président de MG France. Reste à développer des outils pour montrer ce que nous faisons. Les politiques et les décideurs ne le savent pas." Les médecins généralistes qui se mobiliseront le 23 décembre prochain, ne manqueront pas le leur rappeler.
JJC
(1) Etaient présents 30 ans après "l'Appel des 10" : François Angles, de Sébazac, près de Rodez (12), Richard Bouton, ancien président de MG France, Pierre Favard, de Montesquiou dans le Gers, Georges Pradoura, de Marseille, Nicole Renaud, présidente du MAG, de St-Cyprien-sur-Dourdou, en Aveyron, Jacqueline Valensi, de Paris.
(2) Fédération nationale des omnipraticiens français, qui rallia MG France par la suite et qui fut au sein de la CSMF remplacée par le "collège" de l'UNOF qui n'eut jamais son autonomie comme syndicat.