N° 85 - 12 octobre 2017
Crise sanitaire
Deux mots qui jettent le trouble dans la sphère politico-médiatique, l’espace de quelques semaines.
Le Médiator®, la grippe H1N1, l’aluminium des vaccins, le Lévothyrox®…
Avez-vous remarqué comment ça marche, une crise sanitaire ou “trouble médical
de la sphère politico-médiatique” ?
Au début, les agences gouvernementales ne communiquent pas ou mal sur un problème de santé publique.
Des gens concernés -ou qui pensent l’être- généralement très fâchés,
“sortent” alors l’affaire dans la presse.
Les journalistes se jettent dessus, pleins de bonne volonté, mais ils ne comprennent pas grand-chose à ces sujets très techniques, comment les en blâmer ?
Plusieurs jours de balivernes et approximations diverses, puis la bulle médiatique explose, des vedettes proclament leurs points de vue (et leurs images du monde…) et les politiciens se divisent entre ceux qui défendent l’État et ceux qui l’accusent.
Et les citoyens, les malades, dans tout ça ?
Les mamans qui ont un bébé et qui ont peur de le faire vacciner, les gens qui sont traités par du Lévothyrox® depuis 20 années et qui soudain sont terrorisés, les patients âgés fragiles qui regardent le vaccin anti-grippal avec défiance, ceux qui se croient victimes de Servier alors qu’ils n’ont jamais pris de Médiator®…
Qui mesure le trouble que ces polémiques publiques sèment dans la population ?
Qui mesure la charge de travail qu’implique pour les MG la réponse à ces angoisses ?
Car qui explique et re-explique, avec des mots simples et en prenant du temps ?
Qui répond jour après jour aux mêmes questions, aux mêmes angoisses ?
Qui vaccine et soigne au delà des rumeurs ?
Toujours les mêmes, les MG.
Les “vaccinodrômes” de l’épidémie grippale H1N1 de l’hiver 2009-2010 n’ont pas servi de leçon. Ce contournement des MG a pourtant provoqué la défiance et la baisse dramatique du taux de vaccination dans les populations cibles, mais comme si de rien n’était, on continue de tenir les MG à l’écart de l’information et des décisions concernant la santé publique.
Et chaque “crise sanitaire” le montre bien, c’est une lourde erreur.
Certes on connait le célèbre aphorisme de Clémenceau,
“la guerre est une affaire trop grave pour la confier à des militaires”.
Précisons toutefois qu’il a déclaré cela trente ans avant la “grande guerre”, à seule fin de démolir la réputation de Boulanger …
Alors affirmons-le sans trembler,
il n’y a pas, il n’y aura pas de santé publique sans les MG !
Bernard Plédran
Bouleversé, c’est le mot. Je viens de lire l’ébauche de la version 2017 de la stratégie nationale de santé (SNS) et j’en ressors tout ébaubi. Que de nouveautés, quelle vision quasi révolutionnaire ! Enfin presque, restons raisonnables.
Comme dans la SNS de 2012, la prévention et la promotion de la santé tout au long de la vie et dans tous les milieux, constitue le premier axe fort de cette stratégie.
Je vous dis ça parce que j’ai mauvais esprit et que je suis allé chercher dans le plan de 2012 ce qui avait été écrit.
Comme dans la SNS 2012 donc, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à la santé constitue le second axe fort. Et là le problème va être rapidement réglé, car la ministre nous l’a dit, il faut passer d’une approche en silo vers une approche centrée sur les besoins. Oui, parce qu’il y a les mots qui tuent et les mots magiques. Les mots magiques du moment c’est l’approche en silo, autrement dit, le mal absolu. Mais cette approche, vous l’avez bien compris, c’est fini.
Ce n’est pas écrit pareil, mais ça y est quand même, la nécessité d’accroître la pertinence et la qualité des soins figure comme le troisième axe de cette stratégie. Comme dans les précédentes stratégies la ministre souhaite engager une réflexion sur l’évolution des tarifs à l’activité, système pervers s’il en est, et dont on ne peut que se réjouir. Là où je suis un peu perplexe c’est que la formation des professionnels est le second levier sur lequel elle compte s’appuyer pour atteindre cet objectif. Quand on voit dans quel état les équipes précédentes ont mis la formation professionnelle, on ne peut rester que dubitatif. Parce que depuis 5 mois qu’elle est aux affaires, on ne peut pas dire qu’elle ne soit pas au courant, ni qu’elle ait commencé à faire évoluer quoi que ce soit.
Enfin, comme la dernière fois, l’innovation doit être mise au service de tous pour répondre aux besoins. Je sens poindre le retour des hélicoptères et des cabines high tech pour soigner les populations démunies ! Je n’ai peut-être pas fini de rigoler. Jaune.
Donc, vous le voyez, inutile de faire vos valises et de préparer votre installation en Ukraine, au Venezuela, ou dans aucun de ces pays qui auraient besoin de nos services. Si la révolution est en marche, elle avance à pas comptés.
Ah, j’oubliais. Pas un mot dans ce document sur l’organisation des soins à travers le premier recours. A partir des médecins généralistes, quoi ! Ne préjugeons pas de l’avenir, cette stratégie est en train de s’écrire et rien n’est définitif. Mais n’attendons pas que tout soit prêt pour rappeler notre rôle essentiel, indispensable, pour le bon fonctionnement de notre système de santé.
Vaccination antigrippale : les plus efficaces, c'est vous !
Roger Bolliet
Vous ne croyez pas en l'intérêt de la vaccination antigrippale... ne lisez pas la suite...
Sinon, vous vous dites que trop nombreux sont les patients à risque décédés l'hiver dernier.
En partie faute d'une couverture vaccinale suffisante...
Car, dans ce pays chaque fois que l'on a voulu contourner les médecins-traitants, l'adhésion à la vaccination a baissé.
La couverture vaccinale est passée de 60% ante-Bachelot -grand spectacle H1N1
à 47% post-Bachelot l’an dernier !
Pourquoi?
Parce que, vous, médecins traitants, vous êtes les professionnels de santé en qui vos patients ont le plus confiance, parce que vous avez si besoin quelques chiffres simples, quelques données scientifiques rassurantes sur les effets secondaires ("ça donne la grippe, votre vaccin, docteur") pour convaincre.
Et parce que vous savez parler de votre attitude personnelle par rapport au vaccin : "je me vaccine tous les ans, pour moi mais aussi pour vous protéger " .
On vient de donner la possibilité aux pharmaciens de vacciner. Pourquoi pas, on verra bien ce que cela donne.
Mais le chainon manquant essentiel à ce jour, le plus simple et le plus efficace serait de mettre à disposition de chaque MG volontaire et muni d’un réfrigérateur, un stock de vaccins pour couvrir tous les patients qui en ont besoin, dans la file active de leur patientèle.
notamment lors des consultations de suivi des pathologies chroniques.
"Alors ce vaccin, je vous le fais de suite ? "
Madame la Ministre, chiche pour ce petit effort conceptuel ?
Isabelle Leclair
Vous êtes très nombreux à recevoir des patients qui vont mal depuis le nouveau levothyrox, qui ont des symptômes multiples entraînant, dans certainscas, l’arrêt de leur traitement
Qu’en est-il vraiment?
L’ANSM a demandé au laboratoire Merck de modifier la formule de ce fameux levothyrox pour 2 raisons :
1. Disposer d’un comprime plus stable
2. Ôter le lactose qui pouvait être source de troubles digestifs. Il a été remplacé par du mannitol ou E421. Au quotidien il peut nous arriver de consommer du mannitol en mâchant des chewing-gums par exemple.
Ainsi, le principe actif est resté le même, ce sont les excipients qui ont été modifiés. Le nouveau levothyrox se retrouve finalement comme un générique de l’ancien.
Mais que s’est-t- il donc passé pour que d’une situation apparemment simple on en arrive à une crise sanitaire ?
Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre que l’équilibre thyroïdien n’est pas toujours facile à obtenir en « temps normal » et que lorsque l’on modifie la posologie on ne contrôle pas au bout de 48h mais au bout de plusieurs semaines.
Avec une substitution ON/OFF de tous les patients prenant cette molécule tous les jours depuis de nombreuses années, plusieurs sortes de situations sont inévitablement survenues.
1. Plus de 20% de différences d’absorption en ce qui concerne la bioéquivalence de ce nouveau comprimé pour 1/3 des patients
2. Des effets indésirables connus (comme pour tout placebo) ont été ressentis de bonne foi
3. La méfiance du monde médical et l’arrêt du traitement
4. L’amplification du phénomène
5. La colère des usagers
Il n’y a rien de délétère ni de dangereux dans ce comprimé mais trouver un nouvel équilibre va prendre au patient et son médecin plusieurs semaines.
Nous pouvons tous regretter la transition qui n’a pas eu lieu et qui aurait permis une adaptation en douceur à cette nouvelle formule ainsi qu’une très mauvaise communication montée en boucle négative complètement disproportionnée.
Rappelons enfin que l’objectif de cette modification à la demande de l’ANSM était pour le bien du patient : une meilleure stabilité et une meilleure tolérance.