Claude Leicher : « Le sentiment de malaise est de plus en plus fort »

Claude Leicher, président de MG France, dresse l’état des lieux de cette rentrée sociale, et fait le point sur les revendications des médecins généralistes. Il précise  leurs attentes face à la loi de santé en préparation et aux négociations en cours avec l’assurance-maladie sur les accords interprofessionnels.

 

Vous avez récemment exprimé votre mécontentement, voire votre colère, devant les atermoiements du gouvernement face aux mesures attendues par MG France dans le champ des soins primaires ? Est-ce que le torchon brûle entre MG France et le gouvernement ?

MG France n’est pas du style à faire brûler les torchons, MG France est plutôt du style à se fâcher et à agir. Cela fait deux ans que Marisol Touraine est en fonction dans le gouvernement de François Hollande. Elle a appris le métier et développé son programme politique qui s’appelle Stratégie nationale de santé. Nous avons perçu une volonté, exprimée dans les discours, d’engager un virage ambulatoire et un développement des soins primaires.

A la lecture des premières mesures – qui d’ailleurs tardent à venir – nous percevons surtout un éclatement du métier du médecin généraliste, avec des tâches qui sont confiées à d’autres professionnels, alors qu’elles sont traditionnellement confiées au médecin traitant.

Il y a non seulement de la déception et de l’inquiétude, mais aussi de la colère qui commence à monter. Nous constatons que la stratégie gouvernementale est à l’inverse de ce qu’il faut faire. On inquiète de plus en plus le médecin généraliste, on renforce l’idée qu’on est déjà en train de préparer sa substitution. S’il n’y a plus de médecin généraliste demain, par quelle profession va-t-on le remplacer ? Le sentiment de malaise est de plus en plus fort. Tellement fort que les anciens s’en vont de plus en plus tôt et que les plus jeunes ne s’installent pas, sauf si on leur organise un système dans lequel ils n’ont pas à investir de l’argent. Ces jeunes veulent bien s’installer, mais sont tellement préoccupés par l'exercice libéral sinistré qu’il faut les accueillir dans des lieux où ils n’auront pas d’inquiétude sur les charges qui pèseront sur eux. La catastrophe démographique annoncée est arrivée. Les chiffres sont spectaculaires, comme en Ile-de-France où il n’y aura bientôt plus de généralistes.

Qu’attendez-vous désormais de la loi de santé ?

Il n'est pas trop tard pour rectifier le tir. Un exemple : le service territorial de santé au public. C’est le type même de la chose « faite à l’envers ». Tout le monde est d’accord pour développer ce niveau du système de santé. Mais, nous l’avons dit au gouvernement, c’est aux professionnels de santé de s’organiser : par exemple, il leur revient de créer ou non une maison de santé.  Le gouvernement reprend la proposition d’administration ambulatoire des territoires de proximité par les Agences régionales de santé (ARS). Créer des commissions pour gérer la territorialité n’est pas ce qu’il faut faire. Il faut à l’inverse donner des espaces de créativité et de liberté aux professionnels  pour qu'ils puissent organiser eux-mêmes leurs conditions de travail dans un cahier des charges qui réponde aux besoins de santé de la population. Si le gouvernement ne corrige pas sa copie, MG France luttera contre ce projet de d’administration du secteur ambulatoire, à l'image de ce qui s’est fait de façon catastrophique dans le secteur hospitalier.

Où en êtes-vous du dossier de la coordination des soins et du travail en équipe dans vos négociations avec l’assurance maladie ?

La première étape des accords touche un niveau de coordination autour d'un patient, organisé par les professionnels entre eux - à deux, trois ou quatre -, dans un système qui doit être simple et accessible à tous les professionnels de santé. La 2ème étape concerne la rémunération d’une équipe. La troisième s'adresse à ceux qui veulent organiser la coordination sur un territoire, par exemple entre l’hôpital et la ville.

Mon inquiétude, c’est que l’assurance maladie joue un jeu chaloupé dans lequel elle a pour objectif de diminuer les durées de séjour hospitalier, avec des accords qui privilégient les sorties d’hôpital. Or sur ce point, nous voulons surtout des aides pour nous organiser en ambulatoire, autour de la fonction du médecin traitant, en considérant que le médecin traitant est obligatoirement partie prenante de cette coordination, qui ne peut être qu’à l’initiative des acteurs de terrain.

Nous avons l’impression que l’assurance maladie nous entraîne plutôt vers une direction presque unique : la sortie de l’hôpital. Mais la coordination ne se limite pas du tout à l'organisation ville-hôpital. Il s'agit d’organiser les équipes de soins primaires. Nous sommes en tension avec l’assurance maladie, et avec d’autres organisations professionnelles qui ne veulent pas organiser les soins primaires et qui préfèrent mettre de l’argent sur la technique, l’imagerie, l’hospitalisation. Il existe un vrai enjeu, qui est l’organisation du futur virage ambulatoire. Mais nous avons besoin que l’assurance maladie comprenne et appuie mieux cet enjeu.

Les médecins attendent aussi des signes concrets, notamment une revalorisation des actes. Où en êtes-vous sur ce dossier des rémunérations « complexes et peu lisibles » selon le dernier rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité sociale ?

C’est un autre dossier. Nous ne le mélangeons pas avec la coordination des soins. MG France  considère qu’il y a une véritable discrimination conventionnelle. Je citerai deux exemples très précis : en 1990, on a interdit aux médecins généralistes de choisir le secteur 2. En 2007, la discrimination s’est accentuée avec une consultation à 25 euros pour tout le monde, sauf pour les généralistes. C’est inacceptable ! Les consultations sont de plus en plus lourdes, mais restent bloquées à 23 euros. Certes, nous avons contribué à développer d’autres modes de rémunération, mais ils restent insuffisants : 88 % de la rémunération d’un médecin généraliste sont basés sur la rémunération à l’acte, et 23 euros ne peuvent pas rémunérer une consultation qui peut être amenée à traiter 5, 6 ou 7 problèmes différents, et qui inclut de surcroit des démarches de dépistage et de prévention. Cette densité du contenu de nos consultations est le résultat du choix du patient qui veut « rentabiliser » sa consultation.

MG France veut toujours développer des rémunérations forfaitaires complémentaires, mais la valeur si basse de la consultation est inacceptable. Nous demandons aujourd’hui pour la visite, que le tarif normal soit celui applicable pour une visite à domicile à un patient Alzheimer (soit 56 euros). Cette densité est le désir du patient qui veut « rentabiliser » sa consultation. MG France veut développer la rémunération forfaitaire, mais la valeur si basse de la consultation est inacceptable. Nous demandons aujourd’hui que le tarif normal soit celui applicable pour une visite à domicile à un patient Alzheimer (soit 56 euros). Cela doit devenir le tarif normal de toutes les visites à domicile. Ensuite, nous exigeons sans tarder une consultation de base à 25 euros, et à 28 euros lorsqu’il y a des actes de coordination (contact avec un autre médecin, lettre de liaison avec un hôpital). Ce sont les premières étapes indispensables d’une revalorisation correcte de l’exercice de médecin généraliste.

La Cour des comptes a rendu sa copie sur la gestion de la Sécu et de l’assurance-maladie. Partagez-vous son analyse ?

Dès que les médecins généralistes interviennent dans le parcours de soins d’un patient, les économies se produisent. Le bon usage du parcours de soins vers des correspondants ou vers l'hôpital et le bon usage des produits comme les génériques, génèrent une économie d’un milliard et demi par an. C'est surtout aux généralistes qu'on doit ces économies. La Cour des comptes dit qu’on peut faire encore mieux. C’est possible, mais nous voulons que les bénéfices de ces économies reviennent en partie dans la poche des généralistes, qui font des efforts depuis des dizaines d’années.

Les efforts de la maîtrise médicalisée des dépenses sont à imputer en totalité aux généralistes. La prescription des indemnités journalières à bon escient,  la prescription des génériques, le bon usage de dispositifs coûteux sont à mettre au bénéfice des généralistes.

On ne fera pas plus que ce que nous faisons aujourd’hui si nous n’avons pas un retour sur investissement. La revalorisation des actes demandée par MG France est auto-finançable par ces économies, et assez facilement. Nous sommes prêts à relever le défi, mais en échange nous demandons au gouvernement une revalorisation de nos actes de base. Si rien n’est fait nous irons vers des mouvements de contestation tarifaire. Et cela partira de la base. Nous ne jouerons plus le jeu avec des politiques qui ne tiennent pas leur parole et ne donne à la France aucun moyen de réussir le fameux « virage ambulatoire ».

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