Les enfants doivent pouvoir choisir leur médecin traitant

La future loi de Santé, qui sera présentée le 17 juin par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, permettra-t-elle aux enfants de pouvoir choisir leur médecin traitant, comme c'est le cas pour leurs parents depuis 2004 ?

La demande a été formulée l'an passé par MG France auprès de Marisol Touraine.

Elle s'est trouvée clairement inscrite au coeur du colloque organisé par le syndicat des généralistes à Paris autour du thème "le médecin généraliste pour la santé de l'enfant". La rencontre a permis de souligner la place des médecins généralistes dans la prise en charge des enfants de 0 à 16 ans.

jbattistonicse1.jpgLes Français ont, depuis 2004, désigné leur médecin traitant. Ce dernier est, pour 98 % des assurés sociaux, le médecin généraliste, qui est clairement celui auquel les patients confient leur santé. "Ce choix est devenu une normalité, une évidence pour chacun dans notre système de santé", a expliqué Jacques Battistoni (photo), secrétaire général de MG France et médecin généraliste à Ifs, près de Caen. Le colloque a ainsi permis de revenir sur la place des généralistes dans la prise en charge des enfants, une place souvent sous-estimée par les médias grand public comme par les pouvoirs publics. Car les enfants sont suivis et soignés par un médecin généraliste dès leur premier âge, et le généraliste peut être le médecin traitant des parents, sans qu'il le soit pour autant du ou des enfants de la même famille. "Il y a pourtant continuité dans cette mission, sans qu'elle soit inscrite dans un texte, reconnue et valorisée comme telle", a ajouté Jacques Battistoni.

Huit enfants sur dix voient uniquemet un généraliste

La compétence du généraliste pour prendre en charge un enfant, quel que soit son âge, de 0 à 16 ans peut-elle être mise en cause ? Serait-il insuffisamment formé à cet effet, au regard d'autres spécialités, comme la pédiatrie qui revendique régulièrement la prééminence sur le généraliste en matière de soins dispensés aux enfants ? « Figer le suivi avec un médecin traitant dès la naissance serait méconnaître les particularités du développement et la souplesse nécessaire au suivi de l’enfant », a ainsi fait valoir le Syndicat national des pédiatres français (SNPF).

tbourezcse.jpg"Il est toujours très important d’avoir le choix, mais ce dernier n’est rien sans être accompagné et sans avoir un mode d’emploi, explique Thomas Bourez (photo), généraliste à Val-de-Rueil (27). A l’heure actuelle, par rapport à nos enfants, il y a du choix, mais avoir ans forcément le mode d’emploi qui va avec ! Donner un médecin traitant aux enfants, c’est ni plus ni moins que de leur donner les mêmes droits qu’aux adultes. Ce droit, à l’heure actuelle n’est pas respecté". "Nous voulions également rappeler aux médecins qu’on ne s’improvise pas médecin de l’enfant, poursuit ce dernier. Il s’agit d’une démarche protocolée, qui nécessite un suivi régulier, avec un respect des échéances et des examens à réaliser, avec du matériel pour le faire. Tout cela doit être réalisé avec un certain sérieux et notre colloque a aussi été organisé pour dire aux médecins généralistes que nous sommes à leur service pour les informer et les accompagner au besoin en termes de formation médicale continue". 

Le colloque a permis de revenir sur quelques chiffres qui reflètent l'activité réelle des généralistes au regard de la population des enfants. Selon l'assurance-maladie (1), avant l'âge de 16 ans, 79 % des enfants consultent uniquement, à la demande de leurs parents, un médecin généraliste. Ils ne sont que 5 % à consulter uniquement un pédiatre et 16 % à voir les deux. Par ailleurs, toujours selon l'assurance-maladie, les médecins généralistes effectuent 61 % des consultations et visites délivrées aux enfants de moins d'un an par les médecins du premier recours (généralistes et pédiatres). Ce pourcentage monte à 83 % pour les enfants de 3 ans, puis à 93 % pour ceux de 10 ans et enfin à 97 % pour les adolescents de 15 ans. De même, le médecin généraliste est celui est à l'origine des 3/4 de prescriptions délivrées aux enfants (2).

jlgallaiscse1.jpg"Les enfants rencontrent sur leur parcours de soins deux acteurs de santé principaux - le généraliste et le pédiatre - jusqu'à l'âge de deux ans. Au delà de cet âge, ils connaissent une diversification des recours", explique Jean-Luc Gallais (photo), spécialiste en médecine générale et en santé publique et directeur du conseil scientifique de la Société française de médecine générale (SFMG). Selon cette dernière, les généralistes consacrent un quart de leur activité aux enfants et jeunes adultes et les plus petits (de 0 à 2 ans) représentent 7 % de leur activité. "Reste que contrairement aux pédiatres, qui sont majoritairement installés dans les grandes agglomérations, les médecins généralistes, au nombre de 49197 dans l'Hexagone (3), sont disséminés en ville comme à la campagne, ajoute Thomas Bourez. De plus, ils assurent l’essentiel de la prise en charge des demandes de soins non programmés, c’est-à-dire des actes de premier recours, y compris en pédiatrie."

Dépistages et prévention

barangercse1.jpgLe colloque de MG France a également mis l'accent sur l'intérêt du dépistage et de la prévention de maladies auprès des populations d'enfants. "Dépister des maladies avant l'âge de 6 ans permet de prévenir certains handicaps et maladies à l'âge adulte", note Pierre Popowski (à d. sur la photo), pédiatre libéral à Montgeron (91). Cette organisation de la surveillance médicale est encadrée par des textes précis et est assurée par un médecin librement choisi par les parents. Ce dernier peut être un médecin de PMI, un généraliste ou un pédiatre. Pierre Popowski confie qu'il préfère à cet égard "réclamer le libre choix des familles et ne pas s'enfermer dans un statut". "Tous ces médecins doivent avoir été formés à cet effet et disposer des compétences nécessaires à cette mission", précise de son coté Jacques Baranger (à g. sur la photo), généraliste à Clermont-Ferrand. "Car pas moins de 20 examens de surveillance sont dispensés à l'enfant de sa naissance à l'âge de 6 ans, et c'est le rôle du généraliste de réintégrer les dépistages de troubles de l'audition ou de la vision dans le suivi de l'enfant".  "Un repérage et un dépistage précoces d'une amblyopie ou d'un trouble de la réfraction permettront de réduire un handicap postérieur possible et le carnet de santé constitue à cet égard un outil formidable", ajoute Jacques Baranger. "Encore faut-il effectivement prévoir des consultations de dépistage pour les enfants."

Gérer les conduites à risque

D'bindercse1.jpgautres sujets qui s'inscrivent dans l'actualité médicale des enfants ont également été évoqués au cours du colloque de MG France. Le premier concerne les conduites à risque chez les adolescents, dont les tentatives de suicides, qui augmentent chez les garçons (+ 4 %) et flambent chez les filles (+22 %). "Le médecin généraliste voit en moyenne un adolescent par jour. Il est le premier interlocuteur des jeunes  et parfois le seul, explique Philippe Binder (photo), généraliste à Lussant (17). Les adolescents se confient peu. Toute consultation doit être une occasion à saisir pour dépister le mal être des jeunes et établir une relation de confiance avec elle ou lui. Nous sous-estimons ce qui se passer, comme nous sous-estimons nos capacités pour répondre à ces problèmes", ajoute le généraliste, pour qui le médecin traitant peut agir tous les jours pour prévenir des tentatives de suicides.

bayartcse1.jpg

De la même manière, les médecins généralistes traitants prennent en charge et en équipe les enfants en surpoids ou qui souffrent d'obésité. En 2009, parmi les adolescents scolarisés en classe de troisième, 18 % sont en surpoids, dont 4 % en situation d’obésité, analyse la DREES en 2010. Le surpoids est passé de 14,4 % (dont 3,4 % d’obésité) en 1999-2000, à 12,1 % (dont 3,1 % d’obésité) en 2005-2006. Cette baisse a été moins forte pour les enfants scolarisés en ZEP que pour les autres, ce qui a conduit à un creusement des inégalités sociales. "L'exposition au surpoids et à l'obésité de 0 à 18 ans augmente le risque de mortalité, le risque de morbidité cardiométabolique et a des conséquences sur la mortalité prématurée et la morbidité  physique à l'âge adulte", commente Margot Bayart (photo, à g.), généraliste à Réalmont."L'obésité est une maladie "invisible" que les parents évaluent difficilement", poursuit la généraliste. Aussi la prise en charge pluri-professionnelle - généraliste, psychologue, diététicienne, kiné - permet d'accompagner dans la durée l'enfant et sa famille et peut aboutir à un changement de comportement alimentaire et d'habitudes de vie. Dans ce registre, le Réseau de Prévention et de Prise en charge de l'Obésité Infantile (Réppop) de Toulouse apporte des réponses intéressantes, en développant, parmi les professionnels de santé, une culture commune, par la formation professionnelle et les réunions de coordination, autour d'un thème commun. Pour Maïté Tauber (à d. sur la photo), pédiatre à l'hôpital des enfants à Toulouse (31), "cette équipe ne peut parvenir à ses fins que par une réelle coordination et en confiant la responsabilité de l'accompagnement de l'enfant et sa famille à un acteur. A cet effet, le réseau accompagne et guide les divers professionnels et met à disposition des outils adaptés à chaque niveau de recours."

Coordonner le parcours de soins de l'enfant

La Convemlangloiscse1.jpgntion Internationale des droits de l’enfant (1989) a été adoptée pour répondre à tous les besoins de ce dernier, souligne Martine Langlois (photo), généraliste à Valbonne Sophia-Antipolis (06). Dans le domaine de la santé, cela revient à leur permettre un développement physique et psychologique harmonieux en mettant en œuvre  tout le champ de la santé : prévention, dépistage et diagnostic précoce,  traitement adapté, prévention secondaire et prise en charge des handicaps."Autoriser un médecin traitant pour l’enfant constitue un moyen d’optimiser la continuité relationnelle, informationnelle, et thérapeutique", souligne la généraliste.  

 

Aujourd'hui 7008 pédiatres, dont 1744 exercent en libéral, 4467 à l’hôpital public ou en clinique privée et 796 pratiquent en exercice mixte. Sur ce nombre, la quasi totalité (94 %) est installée en pôle urbain et leur âge moyen est de 50 ans (4). A l'examen classant national, 296 internes ont annuellement opté pour la pédiatrie et 4 % des jeunes médecins s’installent en libéral (4). C'est dire que leur nombre ne peut suffire pour répondre aux besoins de santé des enfants. A leurs côtés exercent 90630 médecins généralistes (52 760 libéraux, 31 631 salariés, 6 164 en exercice mixte), dont l'âge moyen est de 52 ans, selon le dernier bilan démographique de l'Ordre des Médecins. "Les besoins de coordination entre professionnels de santé sont importants, ajoute Martine Langlois, en évoquant les nombreuses pathologies de l'enfant (bonchiolites, otites, troubles de l'apprentissage scolaire) qui n'ont pas toujours des réponses adaptées. "Quelle est par ailleurs l'utilité des actes de prévention répétés par des acteurs différents", interroge la généraliste. Pour cette dernière, "le développement optimal des soins est indissociable de la lisibilité des missions et des tâches attribuées aux soins primaires pour la santé des enfants." Une vision qui milite pour l'instauration d'un médecin traitant pour l'enfant afin de piloter son parcours de soins aux différents étapes de son développement.

Gérer les situations d'urgence

jacuetin1.jpg

Cette évidence s'impose d'autant plus les généralistes se retrouvent souvent à gérer des situations d'urgences et de prise en charge de soins non programmés. " Les visites d'urgence ou ressenties comme telles, constituent une part importante de notre activité", précise Anne Sophie Jacquetin (à g.sur la photo), médecin généraliste à Saint Pourçain sur Sioule (03). Une récente étude lyonnaise (de 2004) a ainsi démontré que les consultations pédiatriques non programmées sont dans 82 % des cas prises en charge le samedi  par la médecine libérale, et à 70 % par les généralistes et 12 % par les pédiatres. En semaine, les mêmes urgences sont effectuées par la médecine libérale dans 93 % des cas, à 75 % par les généralistes et 18 % par les pédiatres. Une autre enquête, publiée en 2004 par la DREES, démontre que les consultations non programmées (CNP) couvrent 11 % de l’activité totale des médecins généralistes libéraux. Parmi elles, 33 % étaient des CNP pédiatriques. Paradoxe de cette situation relative aux CNP : " —Les urgences pédiatriques représentent environ 30 % des passages aux urgences (selon une thèse de M. Dautrey de 2009), ajoute la généraliste. —Ces mêmes urgences augmentent de 5 % par an dans les structures hospitalières. Mais 50 à 70 % de ces urgences hospitalières pédiatriques auraient pu être prises en charge en ambulatoire ". Les solutions à cette situation existent : elles passent par la mise en place d'une permanence des soins ambulatoires sur certains territoires de l'Hexagone. "L’optimisation de ce système passe par la mise en réseau des acteurs de l’urgence et par une information-éducation des familles sur les parcours de soins pour améliorer la qualité des réponses et optimiser les ressources du système de soins ", précise Dorothée Gruet Danset (à d.sur la photo), médecin généraliste à Val de Reuil (27). "La diminution de la démographie médicale de premier recours et l’augmentation constante des soins non programmés nécessitent un développement de la régulation médicale afin de permettre un accès aux soins équitable et ce sans diminuer la qualité des soins. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique", ajoute cette dernière.

Le généraliste, interlocuteur privilégié des enfants

cleicher1.jpg

"Au regard de la prise en charge des enfants le constat est simple, précise Claude Leicher (à d.sur la photo) : le médecin généraliste fait l’essentiel des actes de soins en ambulatoire. Déjà avant un an, c’est le cas de 59 % des actes cliniques, et cela monte à  75 % des actes pour les adolescents entre 15 et 16 ans. Le médecin généraliste est l’interlocuteur privilégié des enfants. Le pédiatre fait respectivement 37 % des actes avant un an, et 2 % entre 15 et 16 ans. Le médecin généraliste est donc bien l’interlocuteur privilégié des enfants. Il faut organiser notre niveau d'intervention, dans la clarté, l'honnêteté et l'éthique", a conclu le président de MG France. "Nous souhaitons travailler en collaboration plus étroite avec nos collègues pédiatres de ville. Nous avons besoin qu’ils se positionnent en tant qu’experts en ambulatoire pour les enfants. Aujourd’hui nous sommes considérés à tort comme des concurrents. Nous souhaitons donc que cette situation soit entérinée dans le texte de la future loi dite de Santé. De telle sorte que les parents puissent recourir au professionnel qui leur semble le plus adapté et qui puisse assurer la prise en charge cohérente de l’enfant."

Rendez-vous le 17 juin pour savoir si la ministre de la Santé inscrira le médecin traitant de l'enfant dans sa future loi de Santé.

J-J C

(1) CNAM, 2002.
(2) Selon IMS Health
(3) Selon le dernier Atlas démographique de l'Ordre des Médecins, mai 2014. Ils sont 51 166 au total, DOM/TOM inclus
(4) Selon l'Atlas de l'Ordre des Médecins, mai 2014

 

Slider
 

Newsletter

 
 

Formations

 
 

Informations

 
13, rue Fernand Léger, 75020 PARIS 01 43 13 13 13 services@mg-france.fr

Paramétrages de cookies

×

Cookies fonctionnels

Ce site utilise des cookies pour assurer son bon fonctionnement et ne peuvent pas être désactivés de nos systèmes. Nous ne les utilisons pas à des fins publicitaires. Si ces cookies sont bloqués, certaines parties du site ne pourront pas fonctionner.

Pour en savoir plus sur la politique de cookies

Mesure d'audience

Ce site utilise des cookies de mesure et d’analyse d’audience, tels que Google Analytics, afin d’évaluer et d’améliorer notre site internet.

Contenus interactifs

Ce site utilise des composants tiers, tels que NotAllowedScript662773aa1e810ReCAPTCHA, qui peuvent déposer des cookies sur votre machine. Si vous décider de bloquer un composant, le contenu ne s’affichera pas

Réseaux sociaux/Vidéos

Des plug-ins de réseaux sociaux et de vidéos, qui exploitent des cookies, sont présents sur ce site web. Ils permettent d’améliorer la convivialité et la promotion du site grâce à différentes interactions sociales.

Autres cookies

Ce site web utilise un certain nombre de cookies pour gérer, par exemple, les sessions utilisateurs.